Le deuxième livre traduit en français de l’autrice turque Ayfer Tunç propose des nouvelles sensibles et cruelles sur l’amour.
Qu’il est difficile d’aimer et d’être aimé… C’est ce que semblent nous dire les six nouvelles de La Passagère des neiges, que Zulma publie, traduites par Sylain Cavaillès. Bien qu’écrites par une femme, ces nouvelles adoptent toutes le point de vue d’un homme. On se retrouve bien souvent dans la tête de pensées machistes, d’hommes fiers de provoquer douleurs et jalousie chez leurs compagnes.
Il y a par exemple cette deuxième nouvelle, « A cause des histoires de femmes », qui voit un pauvre tailleur s’extasier des conquêtes féminines de ses collègues. Afin de mettre du piment dans sa vie et de questionner l’attachement de sa femme, le narrateur rentre de plus en plus tard dans la nuit, faisant douter sa femme de la solidité de leur couple. Sommet de cruauté et de perversion, la nouvelle ne peut que s’achever par une tragédie.
Mais il y a également Aziz Bey, un musicien stambouliote fou amoureux de Maryam, qu’il décide de rejoindre à Beyrouth avant de se faire éconduire (« L’Incident Aziz Bey »). Dans « Le Froid de l’hiver », Semavi Bey se révèle possessif et toxique envers sa compagne qu’il couvre de cadeaux et de petites attentions, l’empêchant d’être seule ne serait-ce qu’une heure. On aime beaucoup également « La Passagère des neiges » qui met en scène une femme, Fidan, fuyant ses poursuivants et trouvant refuge chez l’aiguilleur de chemins de fer Esber. Cet homme seul, isolé au milieu des montagnes, va devenir fou amoureux de Fidan, incapable de l’aimer sans dévotion et adoration.
Toutes ces nouvelles (sauf la dernière, plus expérimentale) se révèlent parfaitement construites et travaillées. La plume d’Ayfer Tunç n’est pas avare en belles images et en phrases longues et sinueuses. En lisant La Passagère des neiges, on sent tout le poids des hommes sur la condition féminine, et les désillusions de l’amour.
La Passagère des neiges, Ayfer Tunç, nouvelles traduites du turc par Sylvain Cavaillès, Editions Zulma, 240 pages, 21,50 €
Visuel : © Couverture du livre