Un monde nouveau s’ouvre avec ce texte, le premier sous les couleurs de la collection Terra Incognita (Flammarion).
Si l’on se fie à nos dictionnaires, une terra incognita est un territoire n’ayant pas encore été exploré par les exploratrices, voyageuses et autres marchandes. Mais rien n’empêche les romancières ou poétesses de partir à la recherche de ces terres inconnues ou si peu familières.
C’est en tout cas ce que se propose de faire Lucie Taïeb dans sa magnifique « en-quête » La mer intérieure. Ce livre nous entraîne au cœur d’une région minière en transition, marquée par près d’un siècle d’extractivisme. En donnant à voir les lacs substituts de mines, presque leurs empreintes, l’autrice explore des paysages et des lieux qui n’existent plus, qu’il ne sera plus possible aux générations futures de connaître. Elle raconte la lutte acharnée des habitants pour sauver ce qui peut encore l’être. Elle défriche des espaces inédits où pourrait se côtoyer ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore.
Dense et incarné, La mer intérieure déploie une écriture de l’absence, presque fantomatique, portée par la présence des propres fantômes de son autrice. Ainsi, le récit interroge-t-il la place de celles et ceux qui restent quand les lieux et les proches chers disparaissent. Il nous place face à nos trahisons, nos responsabilités et, surtout, face à la possibilité et à la nécessité de s’accrocher au monde, à sa matière, à sa chair. Ne serait-ce que pour ne pas céder au mensonge de l’identité et demeurer le terrain d’une exploration sans fin.
Lucie Taïeb, La mer intérieure ? En quête d’un paysage effacé, sortie le 4 septembre 2024, Paris, Flammarion, 176 p., 21 euros.
Visuel : © Couverture du livre