Après La Leçon du mal, le deuxième roman traduit en français du japonais Yûsuke Kishi confirme le talent de ce conteur horrifique. Une parfaite lecture divertissante pour cet été !
Qui aurait pu dire qu’un roman dont la trame repose sur des contrats d’assurance pourrait être aussi addictif ? Après tout, dans un autre registre, La Firme de John Grisham arrivait bien à nous passionner avec sa maison d’avocats… Il est toujours intéressant de voir à quel point la littérature peut s’emparer de sujets peu sexy, pour les transformer et y mettre une pincée de piment. Et les fanas d’assurance (eh oui, il y en a), se régaleront en lisant La Maison noire, l’auteur semblant avoir creusé le sujet, et notamment celui de l’assurance-vie.
Le jeune Shinki Wakatsuki travaille sérieusement dans un cabinet d’assurances où il est chargé d’ausculter les avis de décès. Les clauses du contrat d’assurance-vie souscrit par le défunt remplissent-elles les conditions d’indemnisation ? La prestigieuse Shôwa Seimei va-t-elle se retrouver à débourser plusieurs millions de yens ? Méticuleux et professionnel, Wakatsuki traque les incohérences et les fausses déclarations, avant d’être appelé par un certain Komoda qui le prie de venir régler un litige chez lui. Une fois sur place, Wakatsuki découvre le cadavre d’un enfant pendu : Komoda aurait-il tué son propre fils pour toucher l’indemnisation de l’assurance-vie ?
La Maison noire est un solide thriller, servi par un parfait crescendo. L’affaire peut rappeler certains films de psychopathes qui usent de techniques de plus en plus tordues pour parvenir à leur fin, tel que le personnage joué par Glenn Close dans Liaison fatale d’Adrian Lyne (1988). Si, justement, les passages théoriques sur ce qu’est la « psychopathie » peuvent être un peu lourds, force est de constater que Yûsuke Kishi sait parfaitement doser son suspens, et on se prend parfois à ne pas lâcher certains chapitres.
Au-delà de son côté horrifique, La Maison noire distille également quelques faits sur le Japon du début des années 2000 (on suppose, puisque les téléphones portables n’en sont qu’à leur balbutiement). La société japonaise valorise le travail bien fait en encourageant les journées longues, alors que de forts mécanismes de domination existent, comme la misogynie (les femmes salariées de l’agence occupent des places subalternes) ou l’homophobie (« Wakatsuki avait été rebuté par son pessimisme extrême envers l’humanité, tout comme par son homosexualité »). Et on trouve également un Japon ouvert aux écrits de Lacan, de Cesare Lombroso sur la craniologie ou encore à ceux de notre entomologiste français Jean-Henri Fabre. Entre thriller et horreur, une parfaite lecture pour cet été.
La Maison noire, Yûsuke KISHI, traduit du japonais par Diane Durocher, Belfond, 304 pages, 22 €
Visuel : © Couverture du livre