Poursuivant leur travail éditorial d’adaptation des « romans durs » de Georges Simenon (tout ce qui n’est pas une enquête de Maigret), Dargaud publie La Maison du canal.
Après Le Passager du Polarlys, La Neige était sale et Les Clients d’Avrenos, voici La Maison du canal. On avait laissé la dernière adaptation des « romans durs » de Simenon (« S’il les a appelés « durs », c’est qu’ils étaient durs à écrire », confie John Simenon, le fils du romancier) dans le soleil d’Istanbul. Les Clients d’Avrenos déroulait son intrigue dans des couleurs vives et le milieu de l’expatriation. Douche froide avec cette nouvelle adaptation : La Maison du canal se passe dans la Belgique natale du romancier, et dans un gris terne, poisseux, et pluvieux. L’action se déroule au domaine des Irrigations, un réel domaine près de Neroeteren, autrefois propriété des ancêtres de Simenon…
En 1931, Edmée arrive au domaine des Irrigations. A seize ans, la jeune fille vient de perdre son père et se retrouve orpheline. Envoyée vivre chez des cousins qu’elle ne connaît pas, Edmée se retrouve au milieu d’une fratrie propriétaire d’un vaste domaine parcouru d’irrigations dans la Flandre profonde. Sa tante ne parle pas un mot de français, son cousin Jef reste énigmatique, trop occupé à tuer des écureuils, tandis que son autre cousin, Fred, gère tant bien que mal la propriété, après la mort soudaine du patriarche. Bien décidée à devenir médecin, Edmée affirme son autorité dans une famille qui est vaguement la sienne. Si elle déclare que « jamais aucun homme n’aura le droit de [la] dominer », la jeune fille reste l’objet de convoitise des deux frères.
Publié en 1933, La Maison du canal baigne dans une ambiance glauque. Les échanges entre les personnages sont vifs, chacun défendant son pré carré. L’adaptation passe d’un frère à un autre, d’Edmée à une cousine, dépeignant une famille qui croit tenir par la force des traditions mais dont la solidité est vite mise à mal par l’arrivée d’une étrangère. Par petites touches (les trajets pour aller en ville, les balades dans la forêt, les séances de patin à glace sur le lac de la propriété…), la bande dessinée retrace parfaitement le microcosme du domaine des Irrigations. Edith, au dessin, livre un admirable travail grâce à une palette de couleurs proche de cinquante nuances de gris et à des visages profondément expressifs.
La Maison du canal, d’après Georges SIMENON, adaptation en BD par José-Louis BOCQUET (scénario) et Edith (dessin), Dargaud, 96 pages, 22,95 €
Visuel : © Couverture du livre