« La guerre du gras » de Nicolas Kayser-Bril : quand le beurre devient politique

par Marianne Fougère
12.09.2025

Et si nos matières grasses racontaient l’histoire du monde ? La guerre du gras dévoile la politique cachée derrière nos assiettes.

Lipides et luttes de pouvoir

Plaquette de beurre, bouteille d’huile, cuillère de saindoux : derrière ces graisses quotidiennes se cache une histoire millénaire, traversée de conflits, de stratégies commerciales et de choix politiques. Dans La guerre du gras, Nicolas Kayser-Bril retrace la saga des lipides, des amphores romaines aux rayons de supermarchés, et montre comment ces matières si banales en apparence ont façonné nos sociétés autant que nos cuisines. Le gras, c’est la vie. Mais c’est aussi la guerre : lubrifiant pour essieux, ingrédient de savon ou d’explosifs, enjeu d’approvisionnement et de domination coloniale. Contrôler les graisses, c’est contrôler des territoires, des classes sociales, des imaginaires. Et quand l’histoire politique bascule, la cuisine suit.

Beurre ou huile ? Une affaire d’identité

Ce qui frappe à la lecture, c’est la manière dont le gras raconte autre chose que la nutrition. Il révèle nos frontières symboliques : eux et nous, riches et pauvres, colonisés et colonisateurs. Le choix entre huile d’olive et saindoux dans la Germanie romaine n’est pas qu’anecdotique : il rappelle combien nos identités culinaires, qu’on imagine figées, sont en réalité mouvantes. Ce que l’on tartine, ce que l’on frit, dit la politique de notre temps.

Un livre qui en a dans le ventre

Lire Kayser-Bril aujourd’hui, alors que le prix du beurre flambe et que les producteurs doutent de pouvoir fournir nos besoins, c’est mesurer la puissance politique du gras. Goûter l’huile de palme rouge, déconstruire l’image du beurre, choisir une huile locale plutôt qu’importée : autant de gestes qui convoquent l’histoire coloniale, les logiques d’exploitation, les fractures de classe et même la crise climatique. Accessible, vif, souvent drôle, La guerre du gras illustre ce que l’histoire a de plus précieux : elle nous apprend à voir autrement ce qui semblait aller de soi. Après sa lecture, impossible de considérer le gras comme un simple plaisir gustatif. Il devient une matière à penser.

Nicolas Kayser-Bril, La guerre du gras, sortie le 12 septembre 2025, Nouriturfu, 128 p., 15 euros.

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