Docteure en littératures comparées, Arielle Nganso nous propose dans La Fabrique de la sono mondiale une histoire des rapports entre la France et les musiques africaines et afro-caribéennes. Un livre précis et passionnant, qui prend appui sur son travail de recherche.
Les musiques africaines, pense-t-on, en France, on connaît : ce sont ces rythmes arrivés dans l’hexagone peu après les indépendances et qui nous ont permis de danser sur du makossa ou de la rumba. Pourtant, écrit Arielle Nganso, si Paris est bel et bien la capitale occidentale de la « world music », cet accueil de sons nouveaux ne s’est pas fait sans heurts. C’est à une histoire et à un décryptage de ces difficultés qu’est voué ce livre paru aux Prairies ordinaires.
La chercheuse procède pour cela de manière chronologique. Elle commence ainsi par rappeler le déséquilibre premier, dans les années 1960, entre un public africain abreuvé de musiques françaises et des auditeurs et auditrices français.es ignorant.es des musiques étrangères. Ce serait alors par l’importation et l’adaptation de la musique américaine – via, notamment, les adaptations des stars de Salut les copains – que les oreilles françaises auraient fini par se faire à des sons nouveaux et inconnus.
L’accueil des musiques africaines ne s’est toutefois pas fait en un jour. Outre les questions administratives liées à l’immigration – l’obtention du précieux visa -, les migrations culturelles et musicales se heurtent aux différences d’habitude, aux comportements néo-coloniaux des producteurs autant que des auditeurs, mais aussi à l’ambiguïté de la recherche d’«ailleurs » par les Français.es : un exotisme convenu, modeste, qui expliquerait pour partie la surreprésentation, encore aujourd’hui, des musiques d’Afrique occidentale aux dépens des musiques d’Afrique centrale.
Si le travail d’Arielle Nganso présente, dans son histoire, quelques figures de défricheurs, l’intérêt de ce livre repose sur ses analyses systématiques de la constitution de ghettos musicaux et des stratégies mises en place par les un.es et les autres pour en sortir. Il s’appuie pour cela sur des interviews avec musiciens et producteurs, mais aussi sur de nombreuses archives issues principalement de la presse spécialisée.
L’approche chronologique permet ainsi la mise en évidence d’une progression réelle dans l’ouverture de la France à la musique africaine, mais encore insuffisante : les musiques qui traversent la Méditerranée sont souvent adaptées au goût occidental.
Arielle Nganso, La Fabrique de la sono mondiale. Des musiques africaines face à l’impérialisme culturel, Les Prairies ordinaires, 22 euros, 342 pages.
Couverture © Sylvain Lamy