Continuant leur exploration des faits divers américains, les éditions 10/18 en partenariat avec Society reviennent sur la disparition d’une femme amérindienne en 2017.
Que disent les faits divers de notre société ? Question rabâchée et débattue ad nauseam. En créant une collection particulière, True Crime, les éditions 10/18, en partenariat avec le magazine Society, ont fait le pari de raconter les États-Unis par leurs grandes affaires criminelles. Depuis 2023, la collection propose donc des faits divers qui ont marqué l’Amérique, avec le projet de se pencher sur une affaire par Etat. Après six tomes, Anaïs Renevier, qui avait déjà signé l’enquête sur Alice Crimmins, revient avec une étrange disparition.
En juin 2017, au nord du Montana, dans la réserve des Blackfeet disparaît Ashley Loring Heavyrunner, 20 ans. Plusieurs témoins affirment l’avoir vue à une fête, avant qu’elle n’en parte, accompagnée par un homme. Les jours passent et les angoisses de la famille montent, tandis que la police ne fait rien. Alors la sœur d’Ashley, Kimberly, et sa mère, Loxie, se retroussent les manches, organisent des battues, prennent en filature certains suspects, doutent de la parole de certains membres de leur famille, etc. Les deux femmes doivent « naviguer entre des bribes de rumeurs et des silences calculés. Sur cette réserve de dix mille habitants, tout le monde semble connaître tout le monde, ce qui pourrait être un atout. Mais tout le monde se méfie aussi de tout le monde. […] Les scandales sont l’occasion idéale de régler ses comptes par délation et commérages interposés, quitte à exagérer le trait. La réserve des Blackfeet est une usine à rumeurs. »
La Disparue de la réserve des Blackfeet se révèle passionnant, et immensément triste dans le combat qu’il fait d’une sœur et d’une mère pour faire éclater la vérité. La structure de l’affaire rappelle un autre livre de la collection True Crime, L’Affaire Emmett Till, qui s’intéressait au meurtre d’un jeune Noir dans l’Amérique des années 1950. Là aussi, La Disparue de la réserve Blackfeet dit quelque chose des États-Unis. Le livre met l’accent sur les MMIW, pour Missing and Murdered Indigenous Women. Les chiffres effraient et alarment : 5716 cas de disparitions et meurtres de femmes natives aux États-Unis en 2016. « Au moins 90 % des femmes amérindiennes ont été victimes de violence dans leur vie. Une femme native disparaît toutes les huit heures aux États-Unis. Un quart des disparues et tuées ont moins de dix-huit ans. »
Le livre montre bien comment l’accumulation de « stigmates » (être une femme, être une Amérindienne, etc.) conduit les autorités à se détourner des enquêtes et à ne pas les prendre au sérieux. Anaïs Revenier, sans nous perdre, nous explique les différences de juridictions entre les juridictions fédérales, d’Etat et tribale, créant de la confusion pour ouvrir une enquête. Se dessine alors une crise nationale meurtrière, et une profonde injustice.
La Disparue de la réserve Blackfeet, Anaïs RENEVIER, 10/18 et Society, 240 pages, 8,30 €
Visuel : © Couverture du livre