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« La danseuse » : Les ombres du passé pour Patrick Modiano

par Jean-Marie Chamouard
22.10.2023

Patrick Modiano, prix Nobel de Littérature 2014, nous parle d’un Paris qui n’existe plus, celui de sa jeunesse, le Paris d’une énigmatique « Danseuse ».

Une fascinante danseuse

Le narrateur ne reconnaît plus sa ville. Il n’aime plus Paris, qui ressemble trop à un parc d’attractions avec ses touristes, leurs sacs à dos, leurs valises à roulettes. Alors il se rappelle ses longues marches dans le Paris, d’il y a cinquante ans, quand il a rencontré la danseuse. Ses marches sont surtout hivernales, à la tombée du jour voire nocturnes, souvent dans la pénombre ou l’obscurité. Comme si la lumière du passé ne pouvait qu’éclairer faiblement le présent. De la danseuse, on ne connaît que peu de choses. Elle aurait eu une enfance difficile. Elle a un fils de 7 ans, le « Petit Pierre », mais dont le père est parti précipitamment à l’étranger. Elle semble s’être débarrassée de son passé « comme d’une peau morte », s’en protégeant par des silences énigmatiques. Autour d’elle des personnages plutôt louches, mais dont les personnalités semblent s’être quelque peu effacées avec le temps. Libérée du passé, la danseuse vit sa passion pour la danse, cet art qui lui a permis de survivre.

Une mémoire incertaine

La nostalgie est bien présente dans le roman, mais son thème principal est la mémoire. Elle est heureuse quand « un instant du passé s’incruste dans la mémoire comme un éclat d’une lumière qui vous parvient d’une étoile que l’on croit morte depuis longtemps ». Des impressions tirées du passé peuvent alors émerger de la brume de l’oubli. Mais la mémoire peut être défaillante lorsqu’il ne reste que des débris du passé, lors de fausses reconnaissances. Il faut alors marcher à pas comptés pour reconstituer quelques morceaux du puzzle.
La danse est également au cœur du récit. L’auteur décrit la légèreté du corps de la danseuse, ses mouvements aériens. La danse peut être une passion, l’auteur parle d’incandescence, de ravissement, d’extase. Surtout la danse est une discipline qui peut être rédemptrice. Le narrateur débute son chemin en littérature. Comme la danse, la littérature est une discipline exigeante qui peut donner sens à la vie. Patrick Modiano semble le penser.

Patrick Modiano, La danseuse, Gallimard, 96 pages, 16 Euros, sortie le 5 octobre 2023.
Visuel : couverture du livre, éditions Gallimard.

« La danseuse » : Les ombres du passé pour Patrick Modiano

Une fascinante danseuse

Une mémoire incertaine

« Celui qui ment le premier » d’Ashley Elston : Traquée

« Fabriquer une femme » de Marie Darrieussecq : On ne naît pas femme

« Down Under Moviez » de Julien Savès & Julien Beaunay : Vers l’Ozploitation, et au-delà

« Fadhila », d’Aristide Tarnagda : une pièce puissante