Dans « La guerre par d’autres moyens », KarineTuil décrit la descente aux enfers d’un ancien président, Dan Lehman. Le roman aborde les méfaits du pouvoir dans le monde politique, mais aussi dans le cinéma.
Dan Lehman a consacré toute sa vie à la politique. Il a été président de la République, mais a échoué à se faire réélire. Il vit avec Hilda, une actrice allemande plus jeune que lui. Ensemble, ils ont eu une petite fille, Anna. Après avoir quitté le pouvoir, « il ne regarde pas ce qu’il était, mais ce qu’il n’est plus ». Il se réfugie dans l’alcool, sa dépendance s’aggrave, son couple se délite. Le roman de Marianne, la première femme de Dan, connaît le succès et va inspirer un film consacré aux violences faites aux femmes. Hilda obtient le rôle principal, un tournant dans sa carrière qui patinait. Alors que Dan rentre dans la pénombre, Hilda gagne la lumière ! Le film se veut politique et féministe, mais le réalisateur Romain Nizan s’avère sur le tournage violent, despotique. Alors lorsque le film est retenu pour la sélection du festival de Cannes, son titre « A la recherche du désastre » pourrait devenir prémonitoire.
« La guerre par d’autres moyens » est un roman de lecture agréable, facile. Le récit est bien mené, le style de Karine Tuil fluide, mais le livre est profondément pessimiste. Il décrit la rencontre de deux univers impitoyables, la politique et le cinéma. Les enjeux de pouvoir y sont trop puissants, deviennent destructeurs. Le roman fait une large place aux addictions. « Conquérir le pouvoir suprême est exaltant, y accéder procure un rayonnement intense, mais le perdre est un douloureux sevrage ». Dan craint d’être un homme du passé et s’interroge : « Y a-t-il une plus grande épreuve que de se voir mort quand on est encore vivant ». Une addiction en remplaçant une autre, l’alcoolisme est décrit presque cliniquement, avec la montée inexorable de la dépendance, le manque qui submerge tout, l’impuissance des proches.
Le milieu de cinéma fait l’objet d’une critique acerbe, l’ambiance du festival de Cannes est bien rendue. À Cannes, tout s’exacerbe, l’intense compétition, l’impérative nécessité de briller, la peur panique de l’échec. Pour les actrices, c’est pire : après quarante ans, la pression devient insupportable, elles peuvent tout perdre, leur capacité de séduction, leur carrière, leur visibilité. Et le mouvement « Me too » a un impact majeur sur les rapports hommes femmes.
Dans ce chaos émotionnel, Karine Tuil porte un regard attendri, parfois indulgent sur ses personnages, en particulier sur Dan Lehman. Cette fresque romanesque inviterait ainsi à la lucidité et à l’indulgence.
Karine Tuil, La guerre par d’autres moyens, Gallimard, 384 pages, 22 Euros, sortie le 06 03 2025