Profitant de la parution en poche de L’Enfant dans le taxi, Folio publie l’un des premiers romans de Sylvain Prudhomme, Là, avait dit Bahi, prix Louis Guilloux 2012.
D’une seule longue phrase, Là, avait dit Bahi déroule le discours d’un narrateur qui découvre pour la première fois l’Algérie. Petit-fils d’un ancien colon, un jeune Français se rend sur les traces de son grand-père, Malusci, ancien propriétaire terrien installé dans la région d’Oran. Là, il fait la rencontre de Bahi, pas beaucoup plus jeune que son grand-père maintenant installé en France. Le vieil homme, bavard, autrefois ouvrier agricole de Malusci, se souvient de la relation particulière qu’il entretenait avec son patron. « Chouchou » de celui-ci, Bahi se souvient des travaux dans les vignes comme des embuscades tendues à Malusci en pleine guerre d’Algérie. Au volant de son camion, accompagné du narrateur sur les routes sinueuses, Bahi raconte ce que fut la colonisation.
D’une langue intelligente, comme toujours, Sylvain Prudhomme déroule le fil de pensée et les conversations de ses personnages. Le choix d’une seule et unique phrase pour constituer le roman dénote un peu l’exercice de style, la langue de Prudhomme gagnant en profondeur dans ses romans suivants (Légende, Par les routes, etc.). Le roman amuse grâce au lien qu’il parvient à créer entre Malusci et Bahi, ces deux-là séparés depuis plus de cinquante ans, mais toujours liés par une histoire commune. Le passé surgit d’une phrase, d’un épisode, tel le massacre d’Oran du 5 juillet 1962 raconté dans les dernières pages du livre. Il y a les événements objectifs, et la mémoire de ceux-ci. Il y a les colons, et les colonisés. Bref, il y a beaucoup de choses intelligentes dans Là, avait dit Bahi.
Là, avait dit Bahi, Sylvain PRUDHOMME, Gallimard (première parution en 2012), Folio, 208 pages, 8,50 €
Visuel : © Couverture du livre