Le cinquième roman de Fabrice Caro ne parvient pas à retrouver l’humour que l’on a aimé dans Le Discours ou Samouraï.
Boris est ravi : le scénario qu’il a proposé à un producteur a été accepté ! Les Servitudes silencieuses se concentre sur une puissante passion amoureuse entre un homme, joué normalement par Louis Garrel, et une femme, incarnée elle par Mélanie Thierry. Le projet est arty, en noir et blanc, et quelque peu pompeux, regorgeant de phrases toutes faites et sirupeuses (« Nous sommes des poissons combattants, Ariel, nous ne sommes pas faits pour nager dans le même bocal, nous ne pouvons nous aimer que libres. »). Épaulant son ami Yann qui vient de divorcer, Boris fait, lui, la rencontre d’une cinéphile passionnée par son projet. Les discussions avec les producteurs se poursuivant, le scénario initial se voit transformé et malaxé. Boris, passible, accepte quelques modifications.
Il est toujours bon de retrouver des auteurs qui, sans être de grands écrivains, nous fournissent de bons moments de lecture. Difficile de ne pas rire en lisant Le Discours (2018) et Samouraï (2022) ! Fabrice Caro, dans Journal d’un scénario, reprend les mêmes ficelles que ses précédents livres : un homme seul, confronté à un événement extraordinaire sur lequel il planche longuement, alors qu’une rencontre amoureuse se profile. Mais ici, la mayonnaise prend trop lentement : les séquences comiques fonctionnent peu, les situations restent peu développées (la fin est abrupte) et on voit arriver les gags (l’auteur abuse du crescendo comique, notamment lorsque le fils de Yann envoie des prototypes d’affiches du film tous plus foireux les uns que les autres). Ce n’est pas désagréable à lire, mais on aimerait que Fabrice Caro se renouvelle.
« Il a fait un montage à partir de photos glanées sur Internet (mon montage Photoshop à moi n’a presque pas à rougir devant le sien à vrai dire). Louis Garrel et Mélanie Thierry sont face à face, de profil, et se regardent passionnément. À ceci près que les proportions ne sont pas respectées, le visage de Mélanie Thierry semble beaucoup trop petit, comme si elle revenait d’un séjour dans une tribu amazonienne de réducteurs de têtes. Ou alors, elle est plus loin, mais ça n’est pas trop cohérent pour un face-à-face. À ça s’ajoute un autre problème : les regards ne se croisent pas. »
Journal d’un scénario, Fabrice CARO, Gallimard, Collection Sygne, 208 pages, 19,50 €
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