Un roman qui pulse, qui vibre, qui rappelle que grandir, c’est toujours apprendre à composer avec les règles – quitte à vouloir les renverser.
Kayden a dix-sept ans. Autour d’elle, une mère fatiguée mais présente, une sœur complice et une bande de copains qui lui tiennent lieu de famille choisie : Nelly, Samy, Djenna. Ensemble, ils avancent, se heurtent, tombent, se relèvent. L’action se déroule en banlieue, mais cette banlieue pourrait être n’importe quelle périphérie française, cet entre-deux ni tout à fait centre ni tout à fait marge. Fatima Daas y plante un roman d’apprentissage où se croisent ambition, amitiés et premiers émois. Kayden écrit, observe, déchiffre. Jusqu’au jour où Madame Fontaine, professeure redoutée, décèle son potentiel et la pousse vers Sciences-Po. Alors, la question se pose : faut-il jouer le jeu ? Ou le changer ?
On retrouve dans ce deuxième roman la langue brute et vibrante de La Petite Dernière, ce mélange d’intime et de politique qui fait la marque Daas. Jouer le jeu séduit par la justesse de ses portraits d’ados, par cette énergie collective qui pulse au rythme de leurs certitudes fragiles et de leurs désillusions déjà trop grandes. Mais si le livre frappe fort dans sa peinture du quotidien, il laisse un goût d’inachevé sur l’un de ses fils les plus puissants : l’histoire d’emprise entre la prof et son élève. Évoquée, esquissée, mais pas creusée, elle manque de densité alors qu’elle aurait pu donner toute sa force politique au roman. Car oui, la classe est un lieu de pouvoir et l’adolescence un moment hautement politique. Ce regret n’efface pas pour autant l’essentiel : Daas confirme qu’elle sait écrire la jeunesse avec sincérité et urgence, qu’elle sait traduire l’ambivalence des périphéries, qu’elle sait surtout redonner voix à celles et ceux qu’on entend trop peu. Un roman nécessaire, même s’il aurait pu cogner plus fort.
Fatima Daas, Jouer le jeu, sortie le 22 août 2022, L’Olivier, 192 p., 20 euros.
Visuel : © Couverture du livre