Un roman aussi impitoyable que peut l’être la supposée rivalité féminine.
Quelle incarnation de papier pour la téléréalité ? Quel(s) livre(s) pour donner chair à nos vies virtuelles passées devant – quand ce n’est pas dans – les écrans de nos télévisions, ordinateurs et autres smartphones ? Sans doute y a-t-il plusieurs candidats. Mais s’il ne fallait en retenir qu’un seul en cette rentrée littéraire 2024, ce serait sans aucun doute possible Jessica seule dans une chambre.
Jessica seule dans une chambre c’est la téléréalité faite livre. La profondeur en plus. Jessica c’est cette girl next door qui s’ennuie seule un soir d’Halloween alors que tout le monde ailleurs s’amuse. Mais Jessica n’aime pas la solitude alors elle va faire un tour sur Tinder où elle matche avec Justin, qui l’invite à boire un verre… pendant que son ex, Louise, espère le retrouver à la soirée à laquelle précisément elle se rend… S’engage alors un triangle amoureux « sous les caméras » d’Instagram, juge ultime de l’éternelle rivalité féminine.
C’est peut-être pour cela que le texte de Joy Majdalani fait autant grincer les dents. Dans son livre, adieu sororité bienveillante et solidarité interclassiste. L’écrivaine s’attarde sur les longues minutes à se faire belle, sur chaque message ou attitude calculés pour séduire ou blesser sa rivale. La pauvreté de la langue n’est qu’une couche de fond de teint, plus ou moins épaisse, plus ou moins capable de masquer les cernes d’une émancipation féminine qui n’en finit plus de se laisser attendre. La piscine dans laquelle nage Jessica ressemblant étrangement à celle de Loana.
Joy Majdalani, Jessica seule dans une chambre, sortie le 28 août 2024, Paris, Grasset, coll. Le Courage, 240 p., 19 euros.
Visuel : © Couverture du livre