Dans ce second roman traduit en français, l’autrice catalane nous plonge dans de sombres mythes, au risque parfois de l’hermétisme.
S’il est un dispositif littéraire « tendance » ces dernières saisons, c’est bien celui des récits de dernières journées. Que l’on songe au Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste d’Emmanuelle Pirotte, à la dystopie 2060 de Lauren Bastide ou, plus récemment, au roman Tombée du ciel d’Alice Develey, toutes ces histoires mettent en scène un personnage sur le point de tirer sa révérence. Et c’est dans cette « tradition » que la poétesse, écrivaine et artiste catalane Irene Solà s’inscrit avec son dernier roman.
Je t’ai donné des yeux et tu as regardé les ténèbres nous place en compagnie d’une mourante et de toutes les femmes, nées et mortes entre les murs de sa maison reculée, qui sont là pour la veiller et l’accueillir dans ce qui sera son ultime demeure. Aube, matin, midi, soir, nuit, nous accompagnons la vieille femme dans chacun de ses derniers instants. L’occasion pour l’autrice de faire remonter à la surface de nombreux souvenirs.
Si le titre annonce la couleur et qu’il est question dans ce livre de mysticisme, de pacte avec le diable et de contes en tout genre, ce n’est pas ici que réside l’entièreté de la poésie d’Irene Solà. L’autrice possède, en effet, une langue bien à elle, piquée de mots singuliers, parsemée de scènes crues. Presque cruelles. Surtout pour les lecteurices dont certain·es seront peut-être déboussolé·es par ce réalisme plus sale que magique. Aussi, une lecture dont on peut sans doute sortir confus·e mais certainement pas indifférent·e.
Irene Solà, Je t’ai donné des yeux et tu as regardé les ténèbres, traduit de l’espagnol par Edmond Raillard, sortie le 19 août 2024, Paris, Seuil, 192 p., 21 euros.
Visuel : © Couverture du livre