« Il neige sur le pianiste » de Claudie Hunzinger : un superbe nocturne

Drogues dures

Une mystérieuse bicoque. Des vieillards entrent et sortent au cœur de la nuit. Ce qu’ils viennent chercher ? Rien de tangible. Des souvenirs, la douceur de l’enfance, le pardon. Tout cela, en venant contempler, le temps d’une nuit, de jeunes adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques.

C’est ce thème, exploré avant elle par le prix Nobel de littérature Yasunari Kawabata, que l’autrice et artiste plasticienne Claudie Hunzinger se propose de revisiter dans son dernier roman, Il neige sur le pianiste. Chez elle, pas de vieillards ni de Belles endormies, mais une romancière plus si jeune que ça, un pianiste pas tout à fait jeune et… un renard. Tout ce beau monde ne se connaît pas. Mais ils vont passer les onze prochaines nuits ensemble, coincés par la neige qui n’en finit plus de tomber sur la maison de l’écrivaine. Une maison aux allures autant de cabane, de prison que de refuge selon le point de vue des protagonistes…

Le désir et la vieillesse

Si le roman intrigue, c’est peut-être par son interprétation inversée du désir et de la vieillesse. Mais c’est aussi, et surtout, parce qu’il interroge les coulisses du métier d’écrivain qu’Il neige sur le pianiste dérange. Alors que son personnage ne fait qu’effleurer ce « corps ébloui de la musique qui dort », Claudie Hunzinger travaille au corps, la langue. Elle joue avec et s’en joue. Elle chasse les mots comme d’autres les perles. Il y a une forme de voyeurisme dans la manière qu’elle a de boire les émotions de ses personnages. Comme si l’écriture était plus qu’un buvard. Un ingénieux mécanisme de rayons X pour transpercer les apparences, sonder les gouffres, trouver les passages qui donnent sur l’envers. Et ensuite ? Revenir à l’endroit. Car, « c’est la découverte du verso qui compte. Face aux horreurs, un peu de non-sens, ça permet de respirer ». De réparer ce qui a déjà eu lieu. Et d’aller de l’avant. Si jamais, un jour, la neige cesse de tomber.