L’auteur libertarienne, connue notamment pour La Grève et La Source vive, livre avec ce court roman une dystopie un peu trop paresseuse pour convaincre pleinement.
Depuis le début d’année se multiplient les essais portant sur la littérature politique : Défaire voir. Littérature et politique de Sandra Lucbert (éditions Amsterdam), Littérature et révolution de Joseph Andras et Kaoutar Harchi (éditions Divergences) ou encore Contre la littérature politique d’un collectif d’écrivains, publié aux éditions La Fabrique. Dès les premières pages de son livre, Sandra Lucbert pointe le problème inhérent à ce type de littérature : « La littérature-politique consisterait en ce paradoxe : de la littérature qui n’en est pas ». À partir de là, comment juger l’œuvre d’Ayn Rand, qui fuit la révolution bolchévique, émigra aux États-Unis et défendit, tout au long de ses livres, la pensée libertarienne dans ses œuvres romanesques ?
Dans la dystopique inventée dans Hymne, il est impossible de parler en son nom, de dire « je ». Le groupe est l’unité la plus réduite. Egalité 7-2521 évolue dans un monde gris et terne. Les hommes ne choisissent pas leur destin, mais on leur assigne un métier, la reproduction et donc la survie de l’espèce sont organisées une fois par an, toute initiative personnelle est fortement réprimandée. Mais un jour, Égalité 7-2521 tombe sur un tunnel qu’il décide d’investir pour se consacrer à la science et à la recherche, tandis qu’il se sent attiré par une femme répondant au nom de Liberté 5-3000.
Publié en Angleterre en 1938 (soit sept ans après Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley et onze ans avant 1984 d’Orwell), Hymne ne supporte malheureusement pas la comparaison face aux deux chefs-d’œuvre du genre. L’originalité de la novella tient à l’utilisation du « nous » par le narrateur, puisque le mot « je » a été banni. Le reste est quelque peu trop balisé et manque d’imagination, d’autant plus qu’on sent à quel point Ayn Rand chercher à faire passer un message, au détriment d’un véritable style littéraire. Roman à thèse, Hymne est à aborder comme l’exposé par la philosophe et romancière de ses idées, mais pas comme une véritable dystopie digne des meilleurs livres de science-fiction.
Hymne, Ayn RAND, traduit de l’anglais par Catherine Bonneville, Les Belles lettres, 112 pages, 9,90 €