« Histoire d’une domestication » de Camila Sosa Villada : public sensible s’abstenir

Il est des coïncidences que seules les affres de la création savent nous réserver. À notre plus grand plaisir… ou notre plus grand désespoir. Pour notre part, nous ne pouvons que nous réjouir de la sortie coup sur coup du sublime conte de fées déjanté et musical de Jacques Audiard, Emilia Perez, et du dernier roman de Camila Sosa Villada, Histoire d’une domestication.

Dans ce dernier, l’autrice argentine se penche, comme le réalisateur, sur l’expérience d’un personnage trans et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de l’actrice trans la plus connue et la plus culottée du pays, car elle décide, envers et contre tous, de monter une pièce de Jean Cocteau. Et pourquoi pas, tant qu’on y est, tenter un retour périlleux au village natal, accompagnée de son richissime mari homosexuel et de son fils adoptif porteur du VIH ?! Vous l’aurez compris tous les ingrédients sont réunis pour livrer un scénario explosif… Ajoutez à cela, les préjugés d’un frère étriqué dans son quotidien, les violences subies par le personnage principal, la crudité de l’écriture de Camila Sosa Villada, elle-même actrice.

Les indomptables

Le moins que l’on puisse dire c’est que le titre de ce roman aussi puissant qu’inconfortable est trompeur. Si vous pensez entrer en lui comme dans un chausson d’intérieur, passez votre chemin. La radicalité assumée de Camila Sosa Villada en déstabilisera plus d’une, l’exhibitionnisme de ses personnages en choquera plus d’un. Une claque pas moins salvatrice quand on sait combien la vie des personnes trans à travers le monde rime encore bien souvent avec survie, en témoigne le documentaire sulfureux de Yolande Zauberman, La Belle de Gaza. Comme quoi, les coïncidences en sont, sauf pour les conteurs·ses d’histoires.