Sous le joli titre « L’écho des nymphéas », le musée de l’Orangerie propose chaque troisième lundi du mois des rencontres entre littérature et art devant les toiles cultes de Monet et dans le cadre feutré d’une des deux grandes salles ovales qui sont dédiées à ses plantes aquatiques. Le duo formé par l’écrivaine Alice Zeniter et le musicien Bastien Lallemant a inauguré la saison, en nous emmenant dans l’univers âpre et mélancolique du dernier roman d’Alice Zeniter, Frapper l’épopée.
Frapper l’épopée, c’est une enquête de l’auteure sur ses origines et c’est l’histoire d’Areski, kabyle déporté en Nouvelle-Calédonie après l’insurrection de 1871. Condamné à sept ans de bagne, il y passera sa vie. Tout commence par du breton avec un mot qui va parfaitement aux Nymphéas : «Glas». Il désigne une couleur qui oscille entre bleu, vert et gris pâle. Alice Zeniter lit d’autant plus intensément qu’elle le fait de manière posée. Elle est parfois un peu impertinente envers Monet avec qui elle tente de tisser quelques liens difficiles, car son livre est vraiment loin de l’univers privilégié du peintre impressionniste qui a trouvé « charmant » son séjour en Algérie. Elle est fascinante. Elle redonne voix à ce que l’histoire a tu, au quotidien douloureux de son aïeul, qui, même une fois libéré, trouve difficilement du travail. Son destin croise des communards également envoyés au « Bagne de Nouvelle » ainsi que des couples très pauvres à qui l’on a fait miroiter la belle vie, les cocotiers et qui déchantent vite…
Les phases de lecture alternent avec les accords de guitare doux et quasiment mystiques de Bastien Lallemant. Ses chansons mélancoliques sont pleines d’amour et d’humanité, y compris le très amoureux « Fuir au combat ». Un peu à rebrousse-poil du texte et on sent qu’Alice Zeniter adore cet univers et elle se plonge et elle nous plonge dedans. Pour mieux reprendre son récit après. Parfois les deux voix se superposent, comme deux possibilités, jusqu’au « Grand départ » qui clôture la lecture et cette phrase définitive : « Condamné à 8 ans de bagne, Areski meurt en 1908, sans que les travaux aient jamais pris fin. »
L’écho des nymphéas se poursuit toute la saison, avec, lundi 21 octobre, Leonor de Recondo et Ophélie Gaillard.
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Visuel (c) YH