Un an après la mort de Jean-Louis Murat, Antoine Couder part de l’exégèse de sa chanson «Foule romaine» pour nous le ramener un peu et percer le mystère du « problème Murat », encensé par la critique et ses fidèles, mais peu connu du grand public.
Presque un an déjà que Jean-Louis Murat est mort, un 25 mai. Pour lui, qui chantait un Almanach amoureux, « mai en bonne boue fait bel épi en août », c’est sur cette saison qu’il nous a laissés : « J’y repenserai toujours à cette rencontre rêvée, le 28 janvier 2002 et aussi ce 25 mai 2023, il faisait beau ce jour-là, j’étais vraiment heureux de vivre. (…) j’ai vu qu’il était écrit que tu étais mort et de cette chose-événement, je n’ai pas voulu je ne voulais pas » écrit Antoine Couder dans ce petit livre terriblement touchant.
Sans cesse, l’auteur revient, par vagues, sur des couches de temps qui se superposent. Croisant sa vie avec celle de Jean-Louis Murat, il nous rappelle – comme Annie Ernaux dans Les Années – que les chansons nous font aussi. Certaines chansons, bien sûr. Les affinités électives d’Antoine Couder (producteur radio, écrivain, auteur d’une biographie de Jacques Higelin et du roman Rock’n’roll animal, L’Harmattan, 2023) avec Jean-Louis Murat (que l’on ne présente plus) sont semées ici avec pudeur et sens du récit.
Car nous partons de l’éxégèse d’une chanson, Foule Romaine (album Le moujik et sa femme, 2022), choisie parmi des centaines d’autres. Pas parce qu’elle serait meilleure, ni la préférée, mais parce qu’elle dit quelque chose d’un moment particulier de la carrière et de la vie de Murat. Il y a bien un « problème Murat » : encensé par la critique, par nombre de fidèles, mais peu voire pas connu du grand public. Ou pour de mauvaises raisons : son caractère de cochon et son goût de la provocation.
Aussi Antoine Couder rend-il justice aux textes (évidemment), à la musique (Murat sur les traces de Neil Young), mais aussi à ce caractère ombrageux, compliqué. Avec la reconnaissance (méprisée et attendue), avec les femmes (Plus vu de femmes : « plus vu de femmes / nous laisser aussi seuls aux commandes de la tendresse »), avec son physique (les yeux bleus, attrapes-cœurs mais intranquilles), avec la France (chanteur de région, comme il aimait à se dire).
« Dis, as-tu aimé poser ton cœur à l’intérieur d’un être heureux ? » chantait Murat, prenant le train bleu des songes et évitant le Malin. Jusqu’au jour où. « Tant la vie demande à mourir. Mais tant la vie demande à aimer, je ne peux aimer mourir », chantait-il aussi, paradoxe ou syllogisme. Nous aimons la vie qui meurt, donc pouvons-nous aimer la mort ? Entre questions lancées au ciel, refrains lancinants, feulements ou onomatopées, Jean-Louis Murat nous laisse un stock de chansons à écouter, à réécouter. Pas forcément pour les décortiquer – Antoine Couder rappelle que Jean-Louis Murat n’aimait pas trop expliquer – mais pour les ressentir.
Écrit avec style et sympathie, au sens fort du terme, ce livre est vivement recommandé.
Et un concert-hommage aura lieu le 25 mai à Clermont-Ferrand.
Foule romaine d’Antoine Couder, éditions Seveninches by Le Boulon, 2024, 12€.
visuel(c) couverture du livre