“Eunice” : Long slam brûlant signé Lisette Lombé

“Rupture”. Le mot est prononcé tel quel. Sans détour ni périphrase. Dès la première ligne. Comme pour annoncer que le livre qu’on va lire rompt avec tout ce que l’on a pu lire jusqu’ici. Rupture d’avec les codes du genre. Rupture d’avec les règles stylistiques et narratives. Rupture d’avec les rôles assignés au genre. Rupture tout court.

Comme celle que vit Eunice, athlète de 19 ans, étudiante en fac de psycho. Larguée par son mec, elle tente de se réfugier dans l’alcool et la danse. Anesthésier la tristesse pour mieux repartir du bon pied. Encore faut-il vraiment avoir touché le fond. Or, Eunice n’est pas au bout de ses surprises. La mort de sa mère, apprise un matin de gueule de bois, ajoute du deuil au chagrin, du mystère à la colère, de la folie à la révolte. Lisette Lombé suit alors Eunice, caméra à l’épaule, au plus près de ses doutes et de ses blessures. Voix mantra, cachée derrière une narration à la deuxième personne du singulier, elle accompagne des personnages sur le fil, capables à tout moment de vaciller. Elle les aide à se reconstruire, à se remettre sur le droit chemin sans les ménager pour autant.

Eunice déploie, en effet, un humour décapant qui permet aux personnages, comme au lecteur, de reprendre leur respiration. Dans un texte tendu de bout en bout, critique sociale et histoire d’amour s’entremêlent, revendications féministes et secrets de famille se toisent comme le feraient les adversaires d’une battle de slam. Et c’est bien toute la poésie et le rythme de cet art oratoire qui donnent envie d’écouter ce que Lisette Lombé a à dire dans une hymne autant à la reconstruction de soi qu’à la réparation collective.