Avec ce second roman, Clara Arnaud parvient à réconcilier, le temps d’une estive, poétique et politique.
Chine, République Démocratique du Congo, Tibet, Honduras, Kirghizistan, etc. : Clara Arnaud en a vu du pays. Dans certains, elle a posé ses valises. D’autres lui ont soufflé la matière de récits de voyage enivrants. Difficile, alors, d’imaginer la jeune autrice se retrancher dans les confins de l’Ariège. C’est pourtant depuis sa petite maison de pierres qu’elle a écrit un roman de grands espaces, à hauteur d’hommes et de femmes moins prédateurs que proies, moins possesseurs des clés de leurs destins qu’en proie aux ballotements quotidiens.
Ainsi, Clara Arnaud coule ses pas et les nôtres dans ceux qui vivent la montagne au jour le jour. On repart avec Gaspard en estive, la peur au ventre de voir l’accident de la saison passée se reproduire. On suit la jeune naturaliste Alma, le plus discrètement possible, pour ne pas risquer de déranger l’ours et ses petits. On hésite, avec les habitants de la vallée, quant au bien-fondé de la réintroduction de pareil animal. On s’étonne d’apprendre qu’au 19ème siècle certains faisaient fortune en devenant montreurs d’ours. On tremble, on respire, on bouillonne, on souffle, on se projette, on rêve de fuir, on craint de s’enfuir. Tout cela à la fois.
Car Clara Arnaud fait danser la langue comme Jules son ours, sans jamais la domestiquer. Sur la page, les mots sont libres. Comme pour mieux saisir la puissante vivante et vibrante de la montagne. Et vous passerez comme des vents fous ouvre un espace métaphorique propice à la rencontre de ce qui nous échappe toujours mais ne devrait cesser de nous interroger. Si pour ses personnages, il s’avère parfois “difficile de dire ce qui compte à ceux qui comptent”, Clara Arnaud montre qu’il est possible de dire et de décrire ce qui compte coûte que coûte. Le prix de la liberté sans doute.
Clara Arnaud, Et vous passerez comme des vents fous, sortie le 23 août 2023, Paris, Actes Sud, 384 p., 22,50 euros.
Visuel : couverture du livre.