L’auteure espagnole, après le succès de la trilogie du Baztan, revient avec son nouveau polar, En attendant le déluge, inspiré d’un tueur en série réel.
Dans l’A propos d’En attendant le déluge, Dolores Redondo reconnaît qu’elle a travaillé 39 ans à ce roman, profondément marquée par le déluge qui s’est abattu sur la ville de Bilbao en 1983. Les souvenirs qui constituent ce livre « sont à parts égales issus de la réalité, de l’amour que j’ai pour ma terre, de mon besoin de musique, de la peur que j’ai alors éprouvée et du plaisir que je ressens toujours en m’infligeant la douce torture de sortir indemne de toutes les catastrophes que mon esprit s’obstine à concevoir pour m’empêcher de dormir ». A ce pan de réalité, l’auteur en superpose un autre : le tueur en série Bible John qui assassina trois femmes entre 1968 et 1969 à Glasgow. On ne démasqua jamais le coupable.
Le roman s’ouvre justement en 1983 à Glasgow, ville largement représentée dans la littérature policière (Alan Parks et Liam McIlvanney notamment). L’inspecteur Noah Scott Sherrington prend en filature une voiture qui conduit à une vitesse anormale, avec au volant un homme suspecté d’être le fameux Bible John. Bingo : John Clyde le conduit directement à l’endroit où il enterre ses cadavres, proche du Loch Katrine. Sous une pluie démentielle, le policier tente d’arrêter Bible John avant d’être stoppé net par une crise cardiaque. Sauvé in extremis, alors qu’on lui diagnostique une cardiomyopathie dilatée, Noah est suspendu de ses fonctions de policier. Mais la volonté d’arrêter le tueur est plus forte que tout : l’inspecteur poursuit sa traque et embarque pour Bilbao, où Bible John semble avoir quelques repères.
Dolores Redondo a réalisé un énorme travail de documentation pour rendre son roman le plus réaliste possible. A la lecture d’En attendant le déluge, on sent les rues de Bilbao, l’ambiance qui imprégnait la ville au début des années 1980, les tensions qui émanaient de groupes indépendantistes et notamment de l’ETA. Par petites touches, l’auteure nous dévoile des coutumes, des plats, des chansons qui donnent un caractère très concret à la ville. « Bible John aimait Bilbao car Bilbao était Glasgow. « Mieux que ça, elle me rappelle la Glasgow des années 1960, quand tout espoir n’était pas perdu », songea-t-il. ». Les personnages sont bien campés et on ne peut qu’éprouver de l’empathie pour Noah qui vit ses derniers jours, angoissé de retrouver le meurtrier avant d’être terrassé par la maladie.
Cela dit, En attendant le déluge se révèle beaucoup trop long (plus de 500 pages !) sans que le suspens en vaille la peine, et on se prend à survoler certaines pages, un comble pour un roman policier qui suit la traque d’un tueur en série. On reste également mitigé face aux nombres de coïncidences parsemées le long du récit (des filatures sans fin du tueur en série par Noah, sans que ce dernier ne se fasse repérer une seule fois). Un livre qui vaut donc plus par le portrait d’une ville et d’une époque plutôt que par la tension qui en émane.
En attendant le déluge, Dolores REDONDO, traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon, Gallimard, Série noire, 560 pages, 21 euros
Visuel : © Couverture du livre – Magdalena Russocka / Trevillion Images (détail)