La réédition de ce roman paru en 2001 confirme l’intelligence et la lucidité de Percival Everett.
Adapté il y a deux ans au cinéma sous le titre American Fiction (Cord Jefferson, 2023), Effacement n’a pas fini de nous interroger. Le livre connaît une nouvelle jeunesse grâce aux Editions de l’Olivier. Alors qu’il était difficilement trouvable en Babel, les Editions de l’Olivier le publient dans une version à la traduction révisée (on peut y lire notamment « on chille. » !). Coup de poker donc, pour cette rentrée littéraire, puisque paraît également du même Percival Everett James, une relecture des Aventures de Huckleberry Finn. Pour être totalement honnête, nous en avons lu la moitié, sans parvenir à nous intéresser au roman, peut-être à cause d’un manque de connaissance de notre part de l’œuvre de Mark Twain… On vous conseille tout de même de lire ce lauréat du Prix Pulitzer de la fiction afin de vous faire votre propre opinion.
Bref, de quoi parle Effacement, ce livre vieux de plus de vingt ans ? Ironiquement, de sujets brulants d’actualité. L’écrivain noir Thelonious « Monk » Ellison vivote de ses écrits, lui qui s’est spécialisé dans la réécriture de textes classiques grecs ou romains. Quelques succès critiques, mais le public ne suit pas… Alors lorsqu’il voit en tête de gondole le best-seller de Juanita Mae Jenkins, Not’ vie à nous au ghetto, son sang ne fait qu’un tour. Comment se fait-il qu’un livre si mauvais, pleins de clichés sur la vie des Noirs et mal écrit, rencontre un tel succès ? Bien décidé à connaître la gloire et à se payer la tête du milieu de l’édition, Monk écrit une parodie, Ma pataulogie. Mais son manuscrit est accepté, et Monk de se demander à quel point il ne doit pas compromettre son art…
Effacement est un livre diablement intelligent. Il pose notamment la question de la communauté noire, et de l’appartenance ou non à celle-ci. Comme l’explique Monk : « La vérité, la rude vérité, c’est que la race est un sujet auquel je ne pense presque jamais. Et quand, à une époque, j’y ai pense beaucoup, c’était parce que je me sentais coupable de ne pas y penser. » A la lecture du livre, le lecteur découvrira pourquoi Monk n’a jamais réellement fait l’expérience du racisme et ne se reconnait pas dans la « culture ghetto » (« Je n’ai jamais su parler le dialecte, je n’ai donc même pas essayé, et cela ne m’a pas mal réussi d’être moi-même. »).
Au-delà d’une réflexion sur la « question noire », Effacement reste un grand roman romanesque. Le livre est parcouru de grandes scènes, notamment sur la vie familiale de Monk (le deuil du père, la mort de la sœur, l’homosexualité du frère, l’Alzheimer de la mère). Loin d’être programmatique, Effacement reste, plus de vingt après sa première publication, un roman toujours aussi percutant et intelligent.
Effacement, Percival EVERETT, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne-Laure Tissut, Editions de l’Olivier, Bibliothèque de l’Olivier, 384 pages, 12,90 €
Visuel : © Couverture du livre