À la croisée de l’utopie et de la dystopie, ce roman donne autant de raisons de se réjouir que de se désoler.
Malgré les progrès faits en la matière, les réponses apportés aux femmes victimes de violences sont encore bien maigres et peu adaptées. Ainsi, selon la Fondation des femmes, environ 4 femmes victimes de violences sur 10 ne se voient proposer aucune solution quand elles demandent un hébergement. Heureusement, ou hélas, c’est selon…, la littérature peut parfois non pas remédier, mais palier l’inaction des pouvoirs publics.
Nous voici donc sur une île, dans une châtaigneraie plus précisément. C’est dans cet endroit coupé du monde que Manon Jouniaux a choisi de réunir sept femmes et leurs enfants, eux-mêmes accueillis par Anita, la matriarche. La vie de tout ce beau monde se déroule au rythme des saisons et des récoltes. Un décor aussi idyllique qu’étouffant tant malgré les soirées à danser, les disputes éclatent, tant malgré la distance, les fantômes du passé rôdent, tant malgré le cordon sanitaire, la brutalité familiale perce.
Pourquoi les enfants ont-ils interdiction de franchir les limites de la châtaigneraie ? Quelles histoires cachent leurs mères ? Quel danger rôde aux alentours de cette maison refuge ? Autant de questions que Manon Jouniaux prend un malin plaisir à semer, tels les cailloux du Petit Poucet. Envoûtant, Échappées tient par le bout du nez ses lecteurices qui, un peu sonné·es, ne savent plus où aller ni même qui croire dans ce qui, au fil des pages, ressemble moins à un conte gothique qu’à une tragédie. Un premier roman important, dont la seule existence a au moins le mérite de rappeler qu’il faudra verser encore beaucoup d’encre sanguine pour que femmes ne rime plus avec tragédie.
Manon Jouniaux, Échappées, sortie le 28 août 2024, Paris, Grasset, 224 p., 20 euros.
Visuel : © Couverture du livre