De l’Euphrate à la Seine, avec la poésie de Kadhim Jihad Hassan
par Jean-Marie Chamouard07.02.2025
Kadhim Jihad Hassan est un essayiste, traducteur, poète irakien. Il réside en France depuis 1976. Dans le recueil « Éclats d’Irak, suivi de Migrations » il nous raconte son enfance, son exil, ses réflexions sur la poésie.
De l’enfance à l’exil
Le livre débute par un cycle poétique intitulé Réinvention de la campagne. L’auteur y décrit son enfance, à la campagne, dans le sud de l’Irak. Dans ces trente poèmes, il dépeint les paysages de son enfance avec les arbres, les loups, les sangliers, le crissement des insectes et le chant des oiseaux. C’est aussi un hommage aux morts qui restent présents dans la vie du village.
« Éclats d’Irak » raconte la douleur de l’exil. Les poèmes prennent un ton plus dramatique, lorsqu’il évoque « la chambre rendue étroite par l’accablement » ou la solitude dans les grandes villes européennes que l’exilé ne fait que traverser. Un exilé qui est hanté par la crainte de mourir loin de sa terre et qui voudrait retrouver le linceul de sa mère comme ultime refuge.
Dans la troisième partie du recueil « Migrations », de courts textes en prose alternent avec les poèmes. Kadhim Jihad Hassan y expose ses réflexions personnelles, très diverses, un peu comme dans un journal intime. Il aborde la mémoire de son père « qui t’a donné les instants les plus lumineux de sa vie» mais aussi la guerre et la cruauté du régime bassiste. Ainsi dans le village, une école sera transformée en prison et des salles de classe en salles de torture. Dans l’Odyssée de ma sœur, la veuve doit retrouver et déplacer la pierre tombale de son mari tué au front, car le cimetière est menacé de destruction par le régime.
Une poésie réconfortante malgré tout
Les poèmes de Kadhim Jihad Hassan sont écrits dans une langue douce au lecteur, malgré les drames et la tristesse affectant le poète. Le style est très musical, très limpide. Les textes en prose, très imagés, restent d’inspiration poétique. Les poèmes sur la campagne irakienne sont des tableaux qui relatent la vie quotidienne villageoise. La nature est magnifiée par le poète, cette campagne devient un paradis perdu. Le livre est très émouvant quand l’auteur parle des disparus, de ses parents, des souffrances du peuple irakien. Dans Éclats d’Irak, l’image intérieure de son pays s’est brisée, mais l’espérance n’est pas absente. Retrouver l’espoir, la beauté de la vie passent par son travail de poète. Car « la poésie est une œuvre d’utilité publique et une vertu auto curative ». Elle permet « de se heurter, avec la violence requise, à son destin », elle est « l’enfant qui monte sur le toit de sa maison et y ressent sa quête d’absolu ».
Oui la poésie peut exprimer l’espérance et la douleur. Alors laissons nous envoûter par les si beaux vers de Kadhim Jihad Hassan
Kadhim Jihad Hassan, Éclats d’Irak suivi de Migrations, poèmes traduits de l’arabe par André Miquel et par l’auteur, Actes Sud, 208 pages, 23 Euros, sortie le 8 01 2025
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