Dans « Le jardinier et la mort », Guéorgui Gospodinov rend un vibrant hommage à son père

La disparition d’un jardinier d’exception

« Mon père était jardinier. À présent c’est un jardin ». Le lecteur est prévenu dès le début du livre, le héros meurt avant la fin. En septembre, son père signale une douleur aux reins, mais «  rien d’effrayant » comme il disait souvent. Deux mois plus tard, le diagnostic tombe, effrayant. Il était déjà « presque mort » dix sept ans auparavant ; un premier cancer, à la gorge. Mais le miracle s’était produit, il a repris goût à la vie. Le jardin l’a sauvé, il est devenu un petit bijou. Entre ses mains tout poussait et cultiver son jardin était pour lui comme une preuve d’amour pour ses proches.
Mais cette fois, la maladie est trop forte. Son fils est désarmé devant les soins à donner à son père mourant. Il insiste sur l’importance des gestes les plus simples comme d’être là, de lui tenir la main. Mon père est mort à 5h17, quatre jours avant Noël. Mais que va devenir le jardin sans son jardinier ? Après le départ de son père, son fils ne sait plus quoi faire. Alors il a écrit ce livre… à la main.

L’amour d’un fils pour son père

L’auteur le dit lui même au début du livre : « J’aimerais qu’il y ait de la lumière, une douce lumière d’après-midi dans ces pages ». Son style est effectivement limpide, lumineux, souvent poétique. Il a écrit un récit tendre et sensible sur l’amour d’un fils pour son père. « Mes parents étaient les meilleures personnes qui soient, mon père était le plus beau, le plus grand ». Cet amour pour son père de Guéorgui Gospodinov est émouvant. Il lui consacre ce livre alors que dans la littérature il semble difficile d’écrire sur les pères, en tout cas d’écrire pour et non pas contre. Parce qu’ils ne nous ont pas beaucoup gâtés, qu’il ont été trop absents, qu’ils ne savaient pas montrer leur amour. Peut être à cause de « la bêtise patriarcale balkanique » ?

Mais le plus difficile a été d’écrire sur la mort de ce père aimé. L’auteur est révolté par cette mort. Il décrit, avec justesse et empathie, le désarroi des aidants face à un proche en fin de vie. Puis vient le deuil : «  cette grande douleur suivie d’une grande tristesse ». Pour le conjurer l’auteur revoit sa propre enfance, il raconte celle de son père, ses rêves d’adolescents, sa vie sous le communisme. La joie et l’humour font contre poids à la tristesse de la séparation. Le jardinier était aussi un conteur talentueux. De petites déconvenues, il faisait de belles histoires. Il pouvait voir du sublime partout. Ses histoires aidaient à vivre : « Les histoires plaisantes sont nécessaires dans les situations pressantes » et son fils les convoquent lorsque le récit devient trop douloureux.
Ce livre est juste très beau. Mais revenons au jardin « qui ne meurt pas vraiment » car « au printemps dans son jardin nous lirons les dernières paroles de mon père ».