Signé par Štepánka Jislová, Coups de cœur, aux éditions Dargaud, s’inscrit dans la lignée des précédentes œuvres de l’autrice et plonge le lectorat au cœur d’une expérience littéraire intensément brute. Dans cette quête de l’amour, de ses origines et de ses visages, émotions, douleurs, solitude et doutes sont disséqués et livrés sans filtre.
L’ouvrage est dense, et sa couverture, à la fois colorée et foisonnante, laisse pourtant au centre une silhouette rosée, isolée au sein d’une foule bleutée. Dans cette autobiographie, ou plutôt cette autofiction — termes que l’autrice interroge en fin d’ouvrage — Štepánka Jislová livre une introspection profonde, initiée par le cap symbolique de la trentaine.
De l’enfance à l’âge adulte, en passant par les années d’études supérieures, on découvre un quotidien confus, rythmé par les débâcles amoureuses qui prennent une place omniprésente et obsédante, tant dans son esprit que dans ses relations. Mais au-delà du simple récit de désillusions sentimentales, Jislová interroge les dynamiques de genre, les injonctions sociales, la pression de la performance affective.
Ce n’est pas seulement une chronique de l’amour, c’est une cartographie des ruptures : celles avec les autres, mais surtout celle avec elle-même.
Un parcours d’amour de soi
Au travers un besoin aliénant d’amour des autres, Jislová expose ses failles, ses traumatismes et décomposent le chemin du retour à soi. Graphiquement, cette tension intérieure s’exprime par un dessin structuré. Les couleurs deviennent la poursuite de sa pensée et de ses émotions : binaires, elles délimitent les temporalités, les ressentis, les espaces mentaux. Le bleu et le rose, sans tomber dans un symbolisme genré trop présent, traduisent les humeurs, les souvenirs mais surtout les états d’âmes aussi tumultueux soient-ils. Le rythme du récit traduit le cheminement d’un travail thérapeutique : en avançant, le récit se perd, bute pour persister et se retrouver. L’amour n’est plus une quête extérieure, mais une reconstruction intérieure. Ce basculement offre toute la richesse de Coups de cœur, qui n’offre pas de solution miracle, mais trace une voie douce et remplie d’amours pluriels.
Coups de cœur fait autant rire qu’il noue le ventre. Malgré les larmes, les doutes, les solitudes accumulées, il ouvre une porte résolument tournée vers la lumière.