« Correspondance avec des cinéastes 1954 – 1984 » de François Truffaut : L’homme qui aimait les lettres
par Julien Coquet13.08.2025
Après la publication en 2022 de Correspondance avec des écrivains, Gallimard fait paraître une sélection de lettres échangées entre François Truffaut et des réalisateurs.
Voilà une somme tout à fait respectable, à conseiller à tout cinéphile. Cette correspondance réunit des lettres de François Truffaut, dont la première est datée du 10 février 1954, adressée à Abel Gance, et la dernière signée Bertrand Tavernier, adressée à Truffaut le 17 septembre 1984 (« Nous avons besoin de vous, François, de vos films, de vos interviews, voire même de vos prises de positions polémiques »). Dans le premier volume de la correspondance dédiée à ses échanges avec des écrivains, on sentait Truffaut plus « respectueux et déférent ». Dans cet ouvrage, s’adressant à ses pairs, Truffaut choisit un ton plus libre.
La longue et éclairante préface de Bernard Bastide revient sur la naissance de la cinéphilie du jeune cinéaste. A huit ans, en 1940, c’est le choc du Paradis perdu d’Abel Gance. En 1943, il découvre Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, dont il ne cessera de vanter les mérites. « C’est un chef-d’œuvre, il n’a pas bougé, c’est un film parfait et profond et sensible et fort » écrit-il directement au cinéaste en 1964. Puis, c’est la rencontre avec André Bazin, critique de cinéma, qui le persuade qu’il peut également écrire pour le cinéma. Ses premiers articles pour Les Cahiers du cinéma sont publiés en 1953.
Le jeu des sept familles
Cette Correspondance avec des cinéastes, présentée dans l’ordre chronologique, s’articule autour de sept familles de cinéastes. Les aînés qu’il admire (Abel Gance, Clouzot…). Les cinéastes pour qui il n’aura jamais de mots assez durs (Claude Autant-Lara, Jean Delannoy…). La famille des pères et des maîtres dont font partie Jean Renoir (dont il deviendra un véritable ami) et Hitchcock (en 1962, il lui demande de lui accorder « un entretien au magnétophone qui se poursuivrait pendant une huitaine de jours et totaliserait une trentaine d’heures d’enregistrement »). Les compères de la Nouvelle Vague comme Godard, Rivette et Rohmer. Les cinéastes contemporains comme Louis Malle ou Tavernier. Des cinéastes étrangers comme Arthur Penn ou même Stanley Kubrick, à qui il demande d’utiliser un plan des Sentiers de la gloire (1957) pour Jules et Jim (1962). Et enfin une dernière famille, celle des « jeunes pousses », courant de Marcel Ophuls à Leos Carax (à qui il ne répondra pas), à qui il livrera surtout des conseils.
Le livre nous permet de découvrir un Truffaut réalisateur, critique, producteur et même agent d’acteurs (il recommande à Hitchcock son interprète de Baisers volés (1968), Claude Jade, pour L’Etau (1969)) et éditeur de livres de cinéma. Libre au lecteur et à la lectrice de picorer et de relever ça et là deux trois formules bien senties, comme lorsqu’il écrit qu’« on est rarement heureux avant un film, on ne l’est jamais après, il faut donc tâcher de l’être pendant ». On aime aussi le Truffaut fan de comédies, spectateur par deux fois des Compères (1983) de Francis Veber et admiratif du Corniaud (1965) de Gérard Oury.
Correspondance avec des cinéastes 1954-1984, François TRUFFAUT, Edition établie et présentée par Bernard Bastide, Gallimard, 528 pages, 25 euros
Visuel : © Couverture du livre
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