Dans «Une existence sans précédent», Claire Fercak décrit l’errance psychologique d’Helena, une jeune femme qui ne sait rien de ses origines familiales. Elle décide alors de se rendre, seule, en Slovénie, dans le pays où l’on porte son nom.
« Je suis habitée par un cri ; c’est mon animal intérieur. » Helena Cervak a eu une enfance et une adolescence difficiles. Née en France de parents émigrés de Slovénie, elle se retrouve orpheline avant son premier anniversaire. Elle vivra en foyer et en famille d’accueil, chez les Jollais en particulier. Elle aime beaucoup Nicole, sa mère de substitution, mais déteste son mari Jean Jollais, «ce mythomane». Elle séjournera à plusieurs reprises dans « le centre de nos dépressions », là où l’on fouille dans son passé. Alors elle part seule en voiture en Slovénie « pour se délester de ses deux passés, de celui qu’elle connaît qu’elle exècre et de celui qui pèse en creux par l’absence ». Hôtels minables au milieu de nulle part, nuits sur les parkings ou aires d’autoroute ; le voyage ne fait pas rêver. Elle part avec la liste des Cervak vivants en Slovénie. Elle espère, en les contactant, retrouver ses racines. Accueillie chaleureusement dans une famille Cervak, entourée d’une nature somptueuse pourra-t-elle trouver l’apaisement ?
Ce livre est remarquable par son style, un style volontiers familier ; la narratrice parle cash mais le rythme est là, rapide, haletant ; il colle à son esprit percutant et imaginatif. L’écriture est très inventive : comme Helena, l’autrice jongle avec les mots, les transforme souvent, les invente parfois. La lucidité, l’autodérision sont très présentes. Helena se décrit comme atteinte d’une fuite des idées, d’une tachypsychie. Elle a inventé le mot « tétère », une tête encombrée qui dégénère, un mot qui lui convient parfaitement.
Ne pas connaître ses racines, «naître et n’être rien» sont une souffrance» . Ces parents Camila et Anton Cervak sont « des sans visages ». Alors ce voyage vers la Slovénie a un but thérapeutique, elle espère y retrouver les bribes d’un passé d’avant sa naissance afin de trouver la consolation, afin d’apprivoiser son animal intérieur. Elle veut récréer son enfance dans un pays qui porte son nom afin de s’en libérer.
Claire Fercak a écrit un texte convaincant sur les affres psychologiques touchant ceux qui ignorent leurs origines. C’est un livre frappant par ses formules chocs mais qui sait aussi se faire plus poétique, plus philosophique, dans la partie slovène du roman. La longue confession et la quête douloureuse d’Héléna, sa lucidité aussi, pourront émouvoir le lecteur.
Claire Fercak, Une existence sans précédent, Éditions verticales, Gallimard, 155 pages, 17 Euros, sortie le 11 01 2024.
Visuel : couverture du livre, Éditions verticales, Gallimard.