L’Arche réunit quatre pièces de Thomas Bernhard en un seul et unique volume : Minetti, Les Apparences sont trompeuses, Déjeuner chez Wittgenstein et Simplement compliqué.
Le prologue de Nicolas Bouchaud revient sur la langue particulière de Thomas Bernhard, et son humour pince-sans-rire. Lui qui a monté sur scène le roman Maîtres anciens dans un monologue endiablé écrit : « Il y a quelque chose d’extrêmement libérateur, mais aussi j’ai découvert un enfer que je n’avais jamais connu auparavant : apprendre un texte de Thomas Bernhard, l’apprentissage de la logorrhée bernhardienne ». Car les répétitions au sein des différentes pièces peuvent rendre fou, tels les deux frères Robert et Karl qui, dans Les Apparences sont trompeuses, dialoguent ad nauseam sur la longueur d’un pantalon.
Les quatre pièces réunies dans ce volume n’abordent pas des sujets diamétralement opposés. Dans Minetti, on suit un vieil acteur qui a joué Lear avec succès il y a trente revenir à Ostende car convoqué par le directeur du théâtre de Flensburg : va-t-il reprendre du service ? Les Apparences sont trompeuses met en rivalité deux frères, Karl, un vieil artiste de cirque, et Robert, un vieux comédien, tous deux amoureux de la même femme, Mathilde, décédée récemment. Déjeuner chez Wittgenstein met en scène trois personnages, un repas qui tourne au jeu de massacre entre deux sœurs, Dene et Ritter, et leur intellectuel de frère Voss. Enfin, Simplement compliqué, la pièce la plus courte, se resserre autour de Lui, un vieil acteur, ressassant ses gloires passées.
Peut-être moins abordables que ses œuvres romanesques, les pièces parlent du rapport conflictuel qu’entretenait Thomas Bernhard avec le théâtre, lui qui n’avait jamais un mot trop dur pour le Burgtheater (l’équivalent de notre Comédie-Française). Il écrit : « L’art dramatique comme but de l’existence madame/quelle monstruosité » ou encore « Faire du théâtre/c’est quand même un art abject ». On trouve également un fort paradoxe entre l’admiration pour Shakespeare et la détestation du théâtre classique : « Dans le classicisme la société est entre soi/en toute quiétude/Mais un artiste doit se refuser à ce processus/à ce dévergondage ». Mais ce qui ressort avant tout de la lecture de ces quatre textes, c’est surtout le jeu de massacre auquel se livre à chaque fois Thomas Bernhard : les personnages se détestent, s’étripent, dénoncent les faux-semblants avec hargne.
Minetti, Les Apparences sont trompeuses, Déjeuner chez Wittgenstein, Simplement compliqué, Thomas BERNARD, traduit de l’allemand (Autriche) par Claude Procell, Edith Darnaud et Michel Nebenzahl, Arche éditeur, 320 pages, 21 euros