« Chefs-d’œuvre disparus » de Sophie Pujas : Le Musée de l’invisible

Il faut parfois faire son deuil de certaines disparitions, accepter de tourner la page. Et pourtant, il convient aussi parfois de continuer à espérer : certaines œuvres soi-disant disparues peuvent refaire surface. Comme ce Portrait de Jacob de Gheyn III de Rembrandt dérobé pas moins de quatre fois et que l’on a fini par surnommer le « takeaway Rembrandt ». « Les retrouvailles avec une œuvre longtemps portée disparue satisfont notre goût des happy ends. Elles murmurent que ce qui est perdu peut être retrouvé. » Pascal Bonitzer mettait d’ailleurs en scène dans Le Tableau volé, sorti en mai 2024, un Alex Lutz survolté de redécouvrir un tableau d’Egon Schiele qu’on croyait perdu à jamais.

Chefs-d’œuvre disparus ne se consacre pas uniquement aux tableaux volés, mais va beaucoup plus loin dans les motifs de disparition. Incendie, guerre, destruction à l’acide (La Chute des damnés de Rubens en 1959), simple perte ou même emporté dans les fonds marins lors du naufrage du Titanic (La Circassienne au bain de Merry-Joseph Blondel), etc. que d’étranges raisons pour ne plus voir certaines œuvres ! Sophie Pujas a eu la bonne idée de sélectionner des œuvres dont nous avons tout de même un visuel afin que la frustration ne soit pas trop grande.

Des histoires rocambolesques

Le livre regorge donc d’anecdotes et d’étranges histoires. Comme ce Francis Bacon perpétuellement insatisfait de ces œuvres dont une dizaine furent retrouvées lacérées à son atelier à sa mort en 1992. Ou encore ce street artist, Blu, repeignant en noir ses fresques murales pour éviter toute opération à but lucratif. Et ce portrait de Winston Churchill par Graham Sutherland, détesté par le Premier ministre et qui finira détruit par l’épouse de Churchill (voir le beau roman de Philippe Forest, Je reste roi de mes chagrins). Le livre se permet aussi quelques apartés en se concentrant sur quelques grands cambriolages (Isabella Stewart Gardner Museum, Kunstahl de Rotterdam…) et des interviews bienvenus.