« Chasse à l’homme » : le jeu du chat et de la souris en version gore

Invention d’un lexique

Après un été passé à dévorer toutes les nouveautés de la rentrée, un livre toujours entrouvert, à la plage, à la sieste comme en télétravail, ce serait un comble que de ne pas vouloir en glisser un voire plusieurs entre toutes les mains. Et pourtant… Chasse à l’homme, premier roman de Gretchen Felker-Martin publié en France, n’est vraiment, mais alors vraiment pas pour tout le monde.

Dans un monde apocalyptique, un énigmatique virus s’attaque aux êtres à haut niveau de testostérone pour les transformer en bêtes sauvages et primaires. Pour éviter d’être à leur tour contaminées, les femmes transgenres (ainsi que certaines personnes non-binaires et les femmes cisgenres atteintes du syndrome des ovaires polykystiques) n’ont pas d’autre choix que de chasser les spécimens masculins pour prélever les œstrogènes contenus dans leurs testicules… tout en échappant elles-mêmes aux attaques des TERF, féministes radicales qui détestent davantage les transgenres que les hommes… Une intrigue peu ragoûtante à laquelle s’ajoutent des scènes de sexe gore et des descriptions corporelles aussi effroyables que réalistes.

Et c’est bien là que réside tout le talent de Gretchen Felker-Martin : toucher aux limites du soutenable pour mieux pointer du doigt ce que nous supportons très bien dans la vraie vie, mettre le lecteur en situation d’inconfort pour mieux circonscrire le confort auquel d’autres que lui n’ont peut-être pas droit. La multitude de personnages comme l’invention de tout un lexique rendent parfois difficile la lecture de Chasse à l’homme. Mais l’essentiel est ailleurs. Avec ce roman, Gretchen Felker-Martin crée un monde qui, tout aussi dérangeant soit-il, ressemble étrangement à celui qui accueille, sans s’offusquer le moins du monde, les appels à signaler les familles d’enfants transgenres…

Comme un écho à la décision de la Cour suprême du Texas de mai 2022, qui a de nouveau autorisé les enquêtes sur les parents d’enfants transgenres, renversant ainsi la décision d’un tribunal qui avait suspendu ces poursuites, prévues par une directive controversée du gouverneur de l’État, Greg Abbott.