Lire Kathleen Jamie en pleine touffeur parisienne, c’est respirer une bouffée d’air venu du nord : vif, piquant, salé.
Cairn est fait de textes courts, secs et lumineux comme les pierres accumulées sur un sommet par des randonneurs de passage. Jamie y mêle souvenirs intimes, fragments de voyages et méditations écologiques : un crâne de courlis déballe plus qu’un simple ossement, une baleine échouée en Norvège devient symbole de notre hubris moderne, ses entrailles remplies de plastique. Tout est fragile, tout menace de disparaître. Mais la poétesse écossaise n’écrit pas un requiem : elle dresse un cairn, un repère, une somme d’instants pour conjurer l’oubli. Comme toujours chez elle, vivants et non-vivants se retrouvent conviés à sa table d’écriture, comme si les cailloux eux-mêmes avaient leur mot à dire.
Ce recueil, plus mince et plus éclaté que les précédents, pourra frustrer certains par son manque de liant. Mais c’est peut-être là sa force : autant de cailloux semés pour que nous retrouvions notre chemin dans un monde de plus en plus obscur. Kathleen Jamie avance sans emphase, avec cette précision qui, justement, perce plus fort. Elle écrit la beauté comme elle écrit la perte, consciente que la nature n’est plus un refuge immuable mais un écosystème ébranlé. Cairn n’offre pas de consolation facile : il propose une manière d’habiter l’incertitude, d’accepter l’impermanence, de se tenir debout malgré le vertige. Et si la littérature pouvait être cela : une boussole discrète, offerte à ceux qui trébuchent ?
Kathleen Jamie, Cairn, sortie le 2 septembre, La Baconnière, 96 p., 16,50 euros.
Visuel : © Couverture du livre