New year, new me… Les rééditions récentes des classiques de la littérature mondiale restent de bons prétextes pour lire ces romans.
La réouverture récente de Notre-Dame de Paris constitue une bonne occasion pour se plonger dans le chef-d’œuvre de Victor Hugo, même si la lecture des Misérables est également d’actualité avec la comédie éponyme présentée actuellement au Théâtre du Châtelet. Publié en 1831, le conte gothique de Victor Hugo, maintes fois adapté en films et en comédie musicale, est avant tout une histoire d’amour, celle du sonneur de cloches Quasimodo pour la bohémienne Esméralda, amour contrarié par l’archidiacre Claude Frollo et par le beau Phoebus, capitaine des archers. Si on a beaucoup dit des personnages qui, chacun, illustrent une facette du Moyen-Âge, le personnage central reste avant tout la cathédrale. L’édition de Points se clôture par un extrait de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie d’Adèle Hugo, l’épouse de Victor. Le chapitre 54 s’intéresse aux circonstances de l’écriture du roman, et relate l’affliction qui peut prendre le lecteur à la fin de sa lecture : « Après l’achèvement de Notre-Dame de Paris, M. Victor Hugo se sentit désœuvré et attristé ; il s’était habitué à vivre avec ses personnages, et il éprouva en se séparant d’eux le chagrin qu’il aurait eu à voir partir de vieux amis. »
Publié en 1866, Crime et châtiment est l’un des classiques de la littérature russe, et l’un des sommets de l’œuvre de Dostoïevski, qui ne fut pas avare en chefs-d’œuvre (L’Idiot, Les Frères Karamazov, etc.). Dès le début du roman, Raskolnikov, étudiant, commet un double meurtre à Saint-Pétersbourg, sans que ni lui-même ni le lecteur en connaissent les raisons profondes. De là découlent une déambulation dans la ville de Saint-Pétersbourg et une introspection profonde dans laquelle la culpabilité occupe une place importante. Se voyant comme un exclu de la société russe, ne parvenant pas à entrer dans cette totalité, Raskolnikov erre et refuse l’aide de ses amis. Les rencontres sont nombreuses, et le lecteur colle au plus près des pensées du tueur. Publiée en octobre 2024, cette édition de Crime et châtiment regroupe en un seul volume les deux tomes publiés dans la collection Babel, dans la très complète et fidèle traduction d’André Markowicz.
Publié en 1883 et onzième tome de la saga des Rougon-Macquart (après Pot-Bouille et avant La Joie de vivre), Au bonheur des dames nous plonge dans le milieu des grands magasins. Là où Zola s’intéresse à la reconstruction de Paris dans La Curée ou aux Halles dans Le Ventre de Paris, l’auteur continue d’explorer le Paris haussmannien. Le roman, plus optimiste que certains autres romans de Zola, suit le personnage de Denise Baudu, arrivée fraichement à Paris, et qui se fait embaucher par le grand magasin Au bonheur des dames. Passionnée par les étoffes et, globalement, tout ce qui brille (le roman est peu féministe, avouons-le avec notre regard d’aujourd’hui), Denise évolue au milieu des commérages, des stratégies marketing et de la naissance d’une classe bourgeoise, tandis que son patron, Octave Mouret, a des vues sur elle. Le roman est un réel cliché de la vie parisienne sous la Troisième république.
Disparu tragiquement à vingt ans, Raymond Radiguet a publié de son vivant deux recueils de poèmes ainsi que Le Diable au corps en 1923. Le Bal du comte d’Orgel, son second roman, publié de façon posthume, est lui aussi un grand livre. Mais Le Diable au corps est peut-être plus accessible, notamment par sa brièveté (un peu moins de 200 pages) et par son attrait sulfureux. Ce récit d’un amour entre un garçon de seize ans et une jeune femme mariée à un soldat parti combattre sur le front choqua au lendemain de la Première Guerre mondiale. Comparé à Rimbaud pour sa jeunesse (les deux protagonistes se rapprochent d’ailleurs grâce aux Fleurs du mal), Radiguet offre ici un véritable roman psychologique décortiquant les affres de l’amour. Mais il y a également dans Le Diable au corps quelque chose de très romanesque, de très romantique, et finalement rien de pornographique dans cet amour. On peut lire aussi ce roman d’un point de vue sociologique, avec la description de l’adolescence, une étape de la vie peu développée par les romanciers de l’époque.
Seul roman de Stefan Zweig (Amok, Lettre d’une inconnue, Le Joueur d’échecs, etc. sont plutôt considérés comme des nouvelles ou des novellas), La Pitié dangereuse paraît en 1939, alors que l’écrivain autrichien est exilé en Angleterre. En 1913, le jeune lieutenant Anton Hofmiller est invité au bal par le riche Kekesfalva. Alors que la fête bat son plein, il décide d’inviter à danser la fille de Kekesfalva, Edith, avant de se rendre compte de son erreur : celle-ci est paraplégique. Pris de pitié, Hofmiller va chercher à réparer sa maladresse, en s’enfonçant malgré lui dans une situation intenable puisqu’Edith tombe peu à peu amoureuse de lui. Stefan Zweig dissèque ici la pitié, distinguant dès l’incipit de son livre deux types de pitié, l’une « molle et sentimentale », et l’autre « créatrice, qui sait ce qu’elle veut et est décidée à persévérer avec patience et tolérance jusqu’à l’extrême limite de ses forces ». Empreint de noirceur et de questionnements sur les motivations de l’âme humaine, La Pitié dangereuse travaille la psychologie des personnages dans une langue très classique.
Notre-Dame de Paris, Victor HUGO, Points classiques, 704 pages, 10,80 €
Crime et châtiment, Fédor DOSTOÏEVSKI, Actes Sud, 672 pages, 24,50 €
Au bonheur des dames, Emile ZOLA, Points classiques, 544 pages, 10,80 €
Le Diable au corps, Raymond RADIGUET, Points classiques, 192 pages, 6,95 €
La Pitié dangereuse, Stefan ZWEIG, Points classiques, 448 pages, 10,20 €
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