Succès en 2020 de l’historien du Troisième Reich, Johann Chapoutot, Libres d’obéir se voit adapté en bande dessinée. Une entreprise louable, mais peu claire.
Dans le milieu de la bande dessinée, la mode est à l’adaptation d’essais en romans graphiques. C’est le cas de French Theory dont nous parlions récemment. Comme le remarque dans sa préface Johann Chapoutot, à sa sortie en 2020, son essai Libres d’obéir suscite un large intérêt. Le court essai de l’historien se penche sur la figure de Reinhard Höhn (1904-2000), juriste, historien et général SS. Occupant de hautes fonctions dès mai 1933, Höhn travaille sur l’adaptation des institutions au Troisième Reich. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Höhn fonde un institut de formation au management, dont les idées, imprégnées de ses pensées nazies, essaimeront dans le monde du travail jusqu’à aujourd’hui.
Concrètement, la bande dessinée, découpée en chapitre, met en parallèle le monde du travail actuel et la carrière de Reinhard Höhn. On suit ainsi le parcours de Florence, employée chez « Appal », a priori embauchée dans une entreprise bienveillante, mais dont le discours se révèle finalement violent et asservissant. L’album brasse alors de nombreux concepts, tous mis en gras ou en gros, pour bien souligner l’importance du lexique nazi : Menschenmaterial (matériau humain), Volkskörper (corps du peuple), Volk (peuple), etc. Tout cela est un peu lourd, et parfois même incompréhensible, avouons-le. La narration éclatée ne parvient pas totalement à rendre compte de la complexité de la pensée de Höhn, et on peine même parfois à faire le lien entre le management d’aujourd’hui et les écrits du juriste. Sans avoir lu l’essai de Chapoutot à la source de l’adaptation, une BD exigeante.
Libres d’obéir, Johann CHAPOUTOT et Philippe GIRARD, Casterman, 144 pages, 22 €
Visuel : © Couverture de l’album