Dans une bande dessinée qui convoque Maupassant et les recherches de Charcot, Emmanuel Polanco met en scène un homme en proie à des visions cauchemardesques.
Dans le Paris de 1885, le docteur Parent reçoit la visite de Mathilde, la femme d’un bon ami. Préoccupée par l’état de son cousin Edouard qui s’est immolé par le feu, Mathilde prie Parent de se rendre à Rouen le plus rapidement possible afin d’échanger avec le blessé qui vient tout juste de reprendre connaissance. Dans le train qui les amène en Normandie, Parent fait la lecture du journal d’Edouard que Mathilde s’est procuré. Il y découvre des rêves étranges, cauchemardesques, et une sensation qui ne quitte jamais Edouard, celle d’être scruté et suivi en permanence.
Emmanuel Polanco, dans une belle palette de couleur restreinte (noir, gris et rouge) rend hommage au Paris de la seconde moitié du XXème siècle, ce Paris où commence à poindre l’éclairage électrique des lampadaires, et où les bâtiments du Second empire et des débuts de la Troisième république impressionnent (Palais Garnier, Panthéon…). Le roman s’inscrit dans un cadre spatio-temporel très délimité, et les quelques figures historiques que l’on croise (Zola, le photographe Isidore Buguet…) soulignent cette volonté de « faire vrai ». Les quelques saillies misogynes de Parent (« Si ce voyage m’avait révélé la force d’esprit de Mathilde, je constatai à ce moment précis qu’une femme reste une femme. ») reflètent la pensée d’une époque.
L’Homme qui rêvait à l’envers intéresse également par les rêves d’Edouard mis en images. Inspirés de Lovecraft (les tentacules), de Maupassant et confrères, les cauchemars d’Edouard rendent parfaitement l’angoisse d’un homme acculé. A cette dimension mystique, Emmanuel Polanco ajoute une couche réaliste en faisant intervenir Charcot et ses théories sur l’hypnose. Si la narration peut parfois paraître brouillonne et que la fin convainc moyennement, l’album alterne réel et illusion de façon intéressante, et rend un hommage bienvenu à la nouvelle de Maupassant, « Le Horla », parue en 1886.
L’Homme qui rêvait à l’envers, Emmanuel POLANCO, Casterman, 250 pages, 25 €
Visuel : © Couverture de la bande dessinée