A la croisée de l’horreur et de l’enquête policière, Epouvantail se révèle difficile à lâcher.
Dans une ferme isolée, Lily vit au milieu des poules et des champs. Entre son acariâtre belle-mère et l’ennui qui la gagne pendant les vacances, la petite fille se rapproche de l’épouvantail du champ d’à côté. Le mannequin, vêtu de haillons et d’un chapeau, effraie par son large sourire maléfique, sans que Lily n’y prenne garde, lui confiant ses joies et ses peines. Mais un beau jour, l’épouvantail parle : « Dégage ». Lui assurant que personne ne l’aime, l’épouvantail, du haut de sa colline, a « appris à être seul et à détester tout le monde ». Lily, bien décidée à rompre son isolement, s’entiche pourtant de l’inquiétante poupée.
En parallèle, un gendarme enquête sur un accident de la route ayant quitté la vie à la conductrice, tout cela sous le regard impassible de l’épouvantail situé en haut de la colline attenante. Coïncidence ou non, la conductrice a fini sa course dans l’étang où la mère de Lily a perdu la vie quelques années auparavant. Pour le gendarme, tout se recoupe, et le mannequin de paille et de bois est bien plus qu’un simple témoin de la scène.
Étrange et obsédante que cette bande dessinée. Commençant comme une nouvelle de Stephen King, remplie d’une fureur éloignée de toute morale (la haine gratuite de l’épouvantail pour Lily), Épouvantail dérive ensuite vers une amitié naissante. L’épouvantail qui vient hanter les nuits des protagonistes fait penser au clown de Ça. Au-delà du côté horrifique, Épouvantail reste le récit d’une solitude, celle de Lily, et de l’imagination à laquelle les enfants recourent pour faire passer l’ennui et la tristesse (le père de Lily ne parvient pas à lui dire que sa mère est décédée). Aidé par un magnifique dessin en noir et blanc qui rappelle furieusement Tim Burton, l’album contient un nombre impressionnant de pages magnifiques, jouant sur l’ombre et la lumière, la réalité et les cauchemars.
Epouvantail, Philippe PELAEZ (scénario) et Stéphane SENEGAS (dessin), Dargaud, 168 pages, 24,50 €
Visuel : © Couverture de l’album