Adaptation en BD de « Les Clients d’Avrenos » de Simenon : La vie d’expat’

En 1933, Simenon est envoyé par Paris-Soir rencontrer et interviewer Trotsky, expulsé d’URSS dès 1929 et exilé en Turquie. En quelques jours de présence à Stamboul, Simenon s’imprègne de la ville, de ses odeurs, de son ambiance et de sa configuration pour publier en 1935 son treizième roman dur, Les Clients d’Avrenos. Le roman met en scène un attaché à l’ambassade de France en Turquie, Bernard de Jonsac, homme perdu, indécis, dont la rencontre avec la jeune Nouchi à Ankara va bouleverser l’existence. Amoureux à sens unique, Bernard de Jonsac se marie avec Nouchi afin d’éviter son expulsion hors de Turquie, elle qui cherche à tout prix un but à son existence. A Stamboul, les deux époux qui ne consomment par leur mariage s’ennuient de façon mondaine, avant de faire la rencontre de Lélia Pastore, « l’une des plus jolies habitantes de Pera », guère plus âgée que Nouchi mais sévèrement mélancolique.

Après une introduction un peu brouillonne, la bande dessinée prend rapidement ses marques pour décrire l’exotisme du Stamboul des années 1930. Il y a quelque chose de colonial dans cette peinture d’un monde bourgeois diplomatique ne côtoyant finalement qu’une partie infime de la ville, passant de palais en yacht, de soirée en bar, à siroter du champagne éventé et à fumer du haschich. A Stamboul, en tant qu’« expat’ », on s’ennuie langoureusement. Et comme le remarque un commissaire : « Quand on connaît notre ville, on ne peut plus s’en passer, n’est-ce pas ? Même si on vous offrait des millions pour vivre ailleurs… Ici, on laisse couler la vie… Elle est plus forte que nous. » On imagine tous ces personnages loin de l’Europe pour fuir quelque chose, et le scénario de Jean-Luc Fromental fait arriver la catastrophe. Soulignons également les très belles couleurs d’Isabelle Merlet et de Jean-Jacques Rouger qui parviennent à parfaitement servir les dessins langoureux de Laureline Mattiussi.