Aux Zébrures d’Automne de Limoge, la traditionnelle remise des prix SACD et RFI clôture la rentrée littéraire
par Chloe Coppalle30.09.2025
Ce week-end se tenait aux Zébrures d’Automne du festival Les Francophonies – Des écritures à la scène les très attendus Prix RFI Théâtre et SACD de la dramaturgie francophone ! Une remise qui clôture la rentrée littéraire avant l’arrivée de l’automne et qui a honoré Clipping d’Israël Nzila pour le prix RFI et La Décennie noire de Yacine Benyacoub pour la SACD ! Deux pièces et une dénomination commune : l’après-guerre.
Clipping d’Israël Nzila pour le prix RFI
Clipping raconte l’histoire de Do, une mère qui perd sa fille au marché. Paniquée, on la suit à sa recherche, on croise les passants et les commerçants. Il y a Do et il y a ce qui se passe dans la tête de Do, avec l’apparition de DoDo qui prend plusieurs entités. Avec DoDo, on rencontre les souvenirs de Do, les visages de son enfance et ses difficultés d’adultes. Clipping est un témoignage avec une pointe de conte grâce au personnage de DoDo qui peut être joué par Do, par plusieurs voix, par une voix off … La retranscription très libre que permet Israël Nzila à cette matérialité rend la lecture très imaginative. Le texte s’adresse aux mères seules, aux mères vulnérables, aux mères en temps de guerre.
Malgré la dureté de son sujet, Clipping est drôle. Les commentaires acerbes des commerçants font penser à des réflexions de Ionesco. Notre confrère Pascal Paradou qui animait la remise des Prix note une « construction dramaturgique très aboutie avec une grande place à l’émotion », soulignant la récurrence des personnages féminins chez Israël Nzila. En effet, l’auteur est sa troisième pièce, dont la deuxième sur le thème des femmes en situation de conflits armés.
L’année dernière, il était finaliste du Prix RFI Théâtre 2024 avec Silence, lauréat du prix des Récréâtrales au Burkina Faso. Une pièce qui mettait déjà à l’honneur un personnage féminin au centre de son intrigue, Makeda. L’importance de cette problématique dans son écriture vient du fait que la guerre en République Démocratique du Congo est omniprésente. Pas seulement par son histoire récente mais aussi par le déploiement à l’Est du pays du groupe armé M23. Ayant grandi à Kinshasa et vivant à Lubumbashi, il vit éloigné des conflits. Cependant, les témoignages de proches et la forte couverture médiatique des évènements tiennent informés les populations. Porter sur scène ces histoires est un moyen de résister : « Ce n’est pas normal que l’on s’accoutume à cela ». Dans ce cadre, il explique que le recours au théâtre lui offre une plus grande proximité avec ses personnages que le roman. Les femmes au cœur des conflits congolais est également une thématique actuellement au cinéma avec Muganga – Celui qui soigne. Ce biopic retrace l’histoire du gynécologue Denis Mukwege, qui a consacré sa carrière aux victimes de violences sexuelles.
La Décennie noire de Yacine Benyacoub pour le prix SACD de la dramaturgie francophone
La Décennie noire se passe en 2005, à l’aube de la Chartre pour la paix et la Réconciliation Nationale. Lyes doit mettre en scène une pièce officielle visant à la promouvoir. Mais c’est une tout autre histoire qu’il choisit de présenter, une pièce qui dénonce la violence d’Etat. Critiquer le gouvernement est dangereux, alors la directrice du théâtre tente de le faire changer d’avis. La pièce parle de la Décennie Noire, dix ans après les faits, à travers les yeux d’un pays qui tente de se reconstruire.
Yacine Benyacoub a grandi durant cette période. Ce sont ses souvenirs et ceux de ses proches qui lui ont permis de structurer sa dramaturgie. Le choix de cet angle permet de rendre compte de la complexité de cette époque sans être didactique. Partir des émotions des personnages pour approcher les faits historiques permet au lecteur de rentrer tout de suite dans l’ouvrage. La pièce aborde la peur, la censure, le sentiment d’impuissance, l’impression d’être oppressé sans issue, mais de rire pour survivre aussi, d’écrire pour crier, de parler pour arrêter.
Écrit pour le théâtre, le texte pourrait être le scénario d’un film. Décennie noire a déjà été nommée lauréat international 2024-2025 du comité de lecture Quartier des Autrices et des Auteurs et est éditée cette année chez Passage (parution le 30 octobre).
Les deux prix visent à soutenir les créations émergentes et les jeunes générations d’auteurs et d’autrices francophones. Le Prix SACD fête ses 30 ans cette année avec la remise de plus de 25 prix, en partenariat avec le Prix RFI depuis 2014. Ce dernier célèbre sa 12ᵉ édition avec la réception cette année de près de 100 candidatures et une présélection de douze textes. Les lectures étaient orchestrées par les étudiants de l’École supérieure du Théâtre de l’Union, avec qui le festival collabore. Elles ont mis en avant les finesses comiques des deux textes.
Israël Nzila et Yacine Benyacoub : un grand bravo !
Dimanche 28 septembre 2025, Maison des Francophonies, Limoges
Avec Emile Balagayrie, Louna Baylaco, Zoé De Barbarin, Simon Bourachaud, Tao Dersoir, Matteo Duval, Jérémie-Clément Foy-Pallud, Léo Gervy, Loic M’Bora, Isaure Marigno, Rose Ruysschaert, Havaiki Tauira, Saraisa Vola
En partenariat avec la SACD, l’Institut français, l’Institut français du Sénégal à Saint-Louis, Les Francophonies – Des écritures à la scène, Théâtre Ouvert – Centre National des dramaturgies contemporaines et le Centre Dramatique National de Normandie-Rouen
« Médée » de Chloé Perrot : réécrire le mythe au féminin
par Marianne Fougère29.09.2025
« Les Yeux d’Alex » de Claire Fauvel : Au-delà du male gaze
par Julien Coquet28.09.2025
