Au couchant l’espérance est un roman historique. Gilbert Sinoué y aborde l’histoire du Maroc de 1921 à 1955, de la guerre du Rif à l’indépendance. Il nous offre un panorama très vivant du protectorat français.
Le 30 mars 1912 un paquebot s’éloigne des côtes marocaines pour la France. À son bord le sultan Moulay Abd el Hafid contraint à l’abdication et à l’exil. Ainsi commence le protectorat français. Alors que le maréchal Lyautey veille au développement du Maroc et au respect de sa culture, la situation est désastreuse dans la zone espagnole. Le roman de Gilbert Sinoué commence en 1921 avec la révolte berbère dans le Rif. L’émir Abd el Krim mène les rebelles de victoire en victoire jusqu’à la déroute de l’Espagne. La guerre a été cruelle avec l’utilisation par les espagnols d’armes chimiques interdites. La grande peur des puissances coloniales conduit à l’intervention de l’armée française. Le général Pétain, allié à Franco, écrase la rébellion en 1925, après le départ du maréchal Lyautey.
Hussein Chaoui est journaliste dans un petit journal indépendant en zone internationale à Tanger. Il va s’engager dans la guerre du Rif et sera gravement blessé. Après la défaite berbère, il décide comme journaliste de se battre avec les mots. Sa rencontre avec Violette, la courageuse secrétaire de la résidence va transformer sa vie.
Dans un avertissement au lecteur Gilbert Sinoué cite Milan Kundéra : « Le romancier n’est ni historien ni prophète : il est explorateur de l’existence ». Au couchant l’espérance est un roman historique et c’est une réussite. La part romanesque du livre accroche le lecteur. Le personnage d’Hussein attire la sympathie par ses convictions, mais aussi ses doutes, on ne peut qu’admirer la constance de son idéal de liberté pour le Maroc. L’intrigue sentimentale est traitée avec délicatesse.
Par sa lecture facile, le livre nous apprend beaucoup sur l’histoire du protectorat et la longue marche du Maroc vers l’indépendance. Il nous montre comment l’idéalisme du maréchal Lyautey rentre en contradiction avec la logique coloniale. Après la Deuxième Guerre mondiale les événements se précipitent jusqu’au retour triomphal du sultan Mohammed V le 16 novembre 1955, le jour de l’indépendance du Maroc.
Deux personnages historiques émergent du récit. Le maréchal Lyautey d’abord, qui aimait sincèrement le Maroc, au point d’avoir souhaité y être enterré. Le Sultan Mohammed V suscite l’admiration. Il succède à son père en 1927 à l’âge de 18 ans. Pendant presque trois décennies de protectorat, il va défendre, avec détermination et habilité politique, la culture et l’identité marocaines. En 1941, il saura protéger les juifs marocains des lois raciales de Vichy. Peu à peu, il va devenir le chef d’une nation en quête d’indépendance, en privilégiant la non-violence. Le jeune sultan timide se sera métamorphosé en père de la nation.
Gilbert Sinoué, Au couchant l’espérance, Gallimard, 336 pages, 22 euros, sortie le 08 05 2025