Eric H. Cline est un archéologue, historien, anthropologue américain. Dans «La survie des civilisations» il aborde le devenir de la Grèce, de l’Égypte et du Moyen Orient dans les siècles qui ont suivi l’effondrement survenu en Méditerranée orientale vers 1177 avant J.C.
Le grand effondrement a eu lieu, au début du 12ème siècle avant J.C. Changement climatique, sécheresses, famines, épidémies, invasions: l’enchaînement des catastrophes a provoqué un effondrement civilisationnel et démographique qui aurait été de 40 à 60% en Grèce, de 75% en Mésopotamie. Mais cette période de souffrance et de chaos a été aussi une période de transformations et d’innovations.
Ainsi l’Égypte, lourdement affectée par la baisse du niveau du Nil et les famines a survécu sans jamais retrouver la puissance d’avant. Les Assyriens ont longtemps résisté à la sécheresse, le retour d’un climat plus humide leur permettant ensuite de reconstituer un empire. Les Chypriotes et les Phéniciens ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’innovation. Les Chypriotes ont développé le travail du fer, les Phéniciens leur réseau commercial et ont diffusé une innovation majeure, l’alphabet. En revanche les royaumes Hittite en Anatolie et Mycénien en Grèce ont disparu. La Grèce continentale est redevenue une société pré- historique avec disparition de l’écriture et de toute organisation sociale complexe.
Eric H. Cline nous fait découvrir de longues périodes peu connues de l’antiquité s’étendant de 1200 à 800 avant J.-C. Son travail d’historien nous plonge dans une «géo politique» déjà complexe. Le lecteur sera aidé par les cartes et les tableaux des principales dynasties. C’est aussi un livre d’archéologie. L’auteur parle beaucoup de poteries, de sépultures et de belles photographies illustrent son propos. Il nous entraîne dans une enquête minutieuse à partir d’indices ténus, de sources éparses. Ce d’autant que les sources archéologiques sont rares concernant cette période appelée, «les siècles obscurs».
Après le choc, les peuples ont évolué de manière très différente. Eric H. Cline fait ressortir les facteurs de fragilité, comme les conflits politiques ou sociaux antérieurs, le stress hydrique (pour les Hittites par exemple), la dépendance aux importations pour les Mycéniens. La solidité du pouvoir et des structures administratives pourraient expliquer la résilience assyrienne. Les capacités d’innovations et de transformations sont à l’origine de la réussite des Phéniciens ou des Chypriotes qui ont su tirer profit du chaos.
Sommes nous des Phéniciens ou des Mycéniens? A partir de ces connaissances d’archéologue et d’historien Eric H. Cline s’interroge sur les fragilités et les capacités d’adaptation de nos sociétés face aux risques majeurs comme le changement climatique. L’histoire nous enseigne la nécessité de s’y préparer mais aussi qu’il existe toujours des possibilités de limiter les dégâts puis de se transformer. Tout n’était pas sombre lors des siècles obscurs.
La survie des civilisations est un livre très original, intéressant sur le plan historique qui peut aussi être une source de réflexion sur notre propre avenir.
Eric H. Cline, La survie des civilisations, traduit de l’anglais ( États Unis) par Marc Saint-Upéry, Éditions La Découverte, 368 pages, 24 Euros, sortie le 22 08 2024.