Les tribulations d’un ethnologue parisien perdu au seuil de sa trentaine donnent un premier roman plaisant.
L’époque est aux losers magnifiques : on est en droit de penser que les romans de Fabrice Caro (Le Discours, Samouraï…) ont essaimé une certaine tendance de la littérature française. Nous voulons parler ici de ces romans gravitant autour de personnages masculins moyens, dont le fiasco de la vie amoureuse et le manque d’ambition dans la vie professionnelle, saupoudrés de lubies attachantes, permettent de monter un livre. Le roman de Pauline Toulet, qui signe ici son premier livre, s’inscrit dans cette droite lignée avec son Anatole Bernolu a disparu.
Le jeune Anatole Bernolu n’est ni beau ni laid. Il n’est ni un raté ni un gagnant. Mais il se laisse porter par la vie. Aussi, lorsque les éditions Marabout lui proposent d’échanger sur un poste qui pourrait lui convenir, malgré ses études d’ethnologie, le bougre se laisse convaincre, d’autant plus que son avenir professionnel paraît bien bouché. Bernolu, qui n’a pas les grâces de sa fac, se retrouve donc à s’occuper d’une collection « Bien-être et psychologie ». C’est aussi un pied dans le monde de l’édition pour proposer son manuscrit Tristes Trafiques : L’Histoire trouble de l’ascension de Lévi-Strauss, un essai aux allures de théorie complotiste sur le succès du père des ethnologues. Débordant de théories farfelues (« pourquoi la plupart des pères poussent-ils leur enfant une main négligemment glissée dans leur poche ? »), Anatole Bernolu évolue entre une libraire qu’il drague maladroitement, une sœur startupeuse et un ami aux aspirations de scénariste.
Pour apprécier Anatole Bernolu a disparu, il faudra passer outre le côté petit malin du roman : le choix d’un narrateur omniscient qui joue la connivence et l’humour avec le lecteur (« tout lecteur attentif aurait reconnu cet inégalable cartable qu’il tient à la main si nous avions pris la peine de le décrire précédemment », « nous qui connaissons le parcours d’Anatole », etc.). Au-delà de cette réserve, ce premier roman se distingue par son ton humoristique, entre idées peréciennes (surligner toutes les rues parisiennes ne contenant pas la lettre A dans leur nom) et passages à la Fabcaro (une réunion familiale rappelle le long dîner du Discours).
« Il a envisagé de la toucher mais il se savait un amant moyen, l’étreinte ne l’aurait pas convaincue de rester, au contraire même, de toute façon, un homme, ça s’empêche, il avait lu ça quelque part, et ça l’avait rassuré sur sa virilité parce qu’il s’empêche beaucoup, il ne fait que ça, et c’est formidable parce qu’il le fait presque sans effort, il se réprime naturellement. »
Anatole Bernolu a disparu, de Pauline TOULET, aux éditions Le Dilettante, 256 pages, 19 euros
Visuel : © Couverture du livre