LE livre de la rentrée à lire, s’il ne fallait en retenir qu’un !
« On ne peut pas tout raconter d’une vie, surtout lorsqu’elle a été beaucoup vécue et qu’elle est vue à hauteur d’enfant ». Malgré tout, une fois adulte, on peut tenter de lui offrir un livre en guise de tombeau. Bien sûr, cela n’empêchera pas qu’une fois le livre refermé, « il ne nous rester[a] en tête que quelques passages, une impression diffuse, des souvenirs plus ou moins fidèles, parfois une phrase seulement. » Mais peut-être que la vie dont il était question aura le dernier mot.
Les derniers mots du père de Clémentine Mélois ? L’autrice les a choisis pour titre de son dernier livre, pas un roman mais un poignant hommage au sculpteur Bernard Mélois, décédé des suites d’un cancer du côlon. Alors c’est bien ne raconte pas la maladie ni n’élude la fin. Le livre pare simplement celle-ci de ses plus beaux habits de fête. Il est question d’émail couleur bleu outremer, de clous de cercueil choisis avec autant de soin que si c’étaient des pierres précieuses, de bleu de travail, de famille, d’amour et d’humour, celui-là même qui « comme une torche enflammée tient à distance les bêtes sauvages » et des souvenirs les plus douloureux. Ainsi, l’autrice revisite-t-elle la maison de famille et l’atelier paternel. Elle convoque les paysages de l’enfance et les moments joyeux d’une existence au goût salé de la liberté. En creux, ou au creux d’un coquillage, elle remercie les soutiens et amis de toujours et, bien sûr, ses parents pour l’éducation qui leur ont donné à elle et ses frangines.
C’est émouvant sans jamais être larmoyant. On se surprend à rire. On trépigne d’impatience, regrettant de ne pas pouvoir participer à la fête d’adieux qui se prépare sous nos yeux, entre nos doigts, à mesure que les pages se tournent. Clémentine Mélois est d’une générosité telle dans son récit qu’elle nous donne l’impression de faire partie de la famille. Membre de l’Oulipo, elle réussit avec brio, et sans artifice, cet exercice de style qui consiste à retirer l’émail pour creuser un peu plus loin la surface des souvenirs. Sans aucun doute, l’un de nos coups de cœur de la rentrée !
Clémentine Mélois, Alors c’est bien, sortie le 22 août 2024, Paris, Gallimard, coll. L’arbalète, 208 p., 19,50 euros.
Visuel : © Couverture du livre