Yves Zurstrassen au musée Picasso d’Antibes: émancipations espiègles de l’abstraction
par Christophe Dard28.10.2023
Le château Grimaldi accueille jusqu’au 7 janvier 2024 l’exposition Jouer la peinture, une plongée dans les oeuvres réalisées au cours de la dernière décennie par l’artiste belge.
Le soleil n’est pas encore bien réveillé que les lumières de l’atelier du Val Fleuri s’allument déjà à Bruxelles. Puis des notes de free jazz retentissent dans cette ancienne bonneterie. Dans cet antre bien ordonné, des disques de grands noms du mouvement, Evan Parker, John Coltrane, Miles Davis, Archie Shepp et Ornette Coleman, sont d’ailleurs rangés, prêts à dégainer leurs accords si une platine daigne les laisser se poser sur elle.
Grand, costaud, avec sa crinière blanche en bataille, Yves Zurstrassen, l’un des artistes le plus populaires de la Belgitude de l’art contemporain, commence à travailler. Comme il le fait tous les jours pendant des heures, cet autodidacte au regard bleu perçant est prêt à s’amuser, seul, avec les matières et les formes mais avec une intense concentration et une précision chirurgicale.
22.02.10, INDIGO, 2022
Huile sur toile ; 140 x 140 cm
Collection particulière Photo D. R.
© Adagp, Paris, 2023
Zurstrassen, influencé par Matisse, Picasso, Pollock, Joan Mitchell, de Kooning ou bien encore le mouvement dada, colle et décolle des papiers découpés comme des pochoirs qui fardent la peinture, terre d’accueil de cette expression singulière et poétique. En fonction de la durée de séchage, les papiers sont soigneusement retirés en de fins craquements, toujours avec du free jazz en bande-son. La peinture, jusque-là au second plan, prend les devants et s’impose en maîtresse de cérémonie de ces compositions.
21.09.04, RECOLLAGE, 2021
Huiles sur papiers et toiles découpés et collés sur carton ; 32 x 28 cm Collection particulière
Photo D. R.
© Adagp, Paris, 2023
Labyrinthes dans lesquelles se perdent les lignes entrelacées semblables à celles qui parcourent nos paumes de main, dédales de fragments pris dans le tourbillon d’une danse inconnue, galaxies de formes qui rappellent celles des grottes préhistoriques, les oeuvres de Yves Zurstrassen dévoilent une sorte de la langage codé dans lequel l’abstraction prend toute sa liberté. L’artiste déclare ainsi: « un tableau vivant, c’est quelque chose qui est autonome, qui est une aventure personnelle mystérieuse, parce que détachée de ce que l’on connait, avec une réelle prise de risque ».
22.06.16, ENIGMA, 2022
Huile sur toile ; 210 x 200 cm
Collection particulière Photo D. R.
© Adagp, Paris, 2023
L’exposition Jouer la peinture au musée Picasso d’Antibes dévoile 94 toiles de la période 2013-2023 mais aussi des plus anciennes qui montrent l’évolution du travail de l’artiste. Chaque salle révèle une déclinaison de ce travail minutieux et délicat qui n’est pas sans rappeler celui des vitraillistes ou des enlumineurs.
Zurstrassen est un artisan qui se laisse surprendre par les libertés que l’art peut s’octroyer et malgré une carrière de près d’un demi-siècle, il en est encore et toujours émerveillé.
19.02.12, SLOW DANCE, 2019 Huile sur toile ; 210 x 195 cm
Collection particulière
Photo D. R.
© Adagp, Paris, 2023
Musée Picasso
Château Grimaldi,
06600 Antibes
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h
Sam Bourcier : « Conserver l’aspect affectif et sensuel de l’archive est déjà une formation politique »
par Prune Fargetton18.05.2024
Chocs, couleurs et propagande au Hangar Y
par Prune Fargetton17.05.2024
