Cinéaste, plasticienne et photographe, Agnès Varda est l’une des rares femmes de sa génération à avoir connu une carrière internationale. Riche d’archives de sa succession et de ciné tamaris, La Cinémathèque Française lui rend hommage à travers l’exposition Viva Varda !. Une célébration joyeuse et riche de 70 ans de carrière et d’engagements d’auteure dans tous les domaines : privé, social et politique.
Tout commence par l’image et par le visage d’Agnès. Une Varda fixe, mais colorée et mutine. L’artiste fait poser et prend la pose. Sous son fameux casque brun, c’est une reine du portrait. Alain Resnais, Jacques Demy mais aussi Jürgen Teller, William Klein et Andy Warhol l’ont photographiée et elle leur a souvent rendu la pareille. D’entrée de jeu, on comprend que l’aura de Varda est internationale. Et on a l’impression de prolonger les deux expositions que Les rencontres d’Arles lui dédiaient cet été : Varda est aussi bien photographe que plasticienne depuis sa participation à la biennale de Venise en 2003. Et dans toutes ses disciplines, elle conserve sa passion pour les plaisirs simples, pour l’observation fine, pour les patates, le bonheur et les chats. Et aussi pour : le cinéma…
Côté septième art, on dépasse enfin, dans cette exposition tonitruante, l’élégance indépassable de Cléo de 5 à 7 (1962) souvent présenté comme l’acte de naissance de la Nouvelle Vague. On découvre chez Varda une réalisatrice protéiforme. C’est une grande curieuse et mangeuse d’images, capable aussi bien de réaliser des courts métrages sur Saint-Tropez que des films où les femmes marchent, comme dans Sans toi ni loi (1985) qui suit Sandrine Bonnaire dans sa dernière errance. Et où les couples sont en crise sur fond de documentaire sudiste comme dans Pointe Courte (1954), filmé dans sa ville de Sète.
Être Varda, c’est avoir 18 ans en 1945, être adulte en mai 1968. Elle se fout des genres, tant que le film est d’elle, maîtrisé par elle, librement. Ce qu’elle appelle « cinécriture » va du scénario au montage, qui termine l’œuvre. Et la cinéaste se revendique autant auteur que maman, et aussi bien amie que réalisatrice : elle immortalise « sa » rue Daguerre où elle a vécu de 1951 à sa mort, filme son fils dans Le Documenteur (1981), ses petits enfants pour ses « 80 balais et balayettes » dans Les plages d’Agnès, 2008. Elle joue au jeu des 7 familles avec tous ses proches ; elle est d’une fidélité indépassable à sa monteuse Sabine Mamou, à Jacques Demy, à Delphine Seyrig, à Chris Marker et tous les autres…
Varda c’est donc un regard féminin avant même que celui-ci ne soit à la mode. Avec des nus jamais objectifiants, des propos ouvertement féministes, des amoureux et des amoureuses. Et aussi avec un regard social de chaque instant, des glaneuses aux hippies antiguerre du Vietnam, en passant par le cinglant pamphlet Réponse de femmes (1975).
Bref, bien plus que 24 heures de la vie d’une femme, c’est le regard de Varda que la Cinémathèque nous offre dans cette exposition qui évite le chronologique et le thématique avec grâce. La conclusion s’ouvre sur un grand mur de projections commentées où les femmes parlent, en chœur antique, autour d’elle et avec elle. Viva Varda !