Le Mucem accueille jusqu’au 11 mars 2024 la superbe exposition « Une autre histoire du monde » qui décentre notre regard occidental en présentant, par le prisme de nombreux objets, une autre histoire des échanges internationaux entre le XIIIe et le XXIe siècle ainsi que des représentations que les différentes populations ont d’elles-mêmes.
D’entrée d’exposition, on est saisi par l’œuvre de Chéri Samba, « La Vraie carte du Monde », une mappemonde avec le Pôle Sud au haut de la carte, l’hémisphère Sud qui en occupe une grande partie et l’Europe et l’Amérique du Nord qui disparaissent, ramassés, en bas de la carte.
Cette représentation, basée sur les travaux de l’Allemand Arno Peters, et reprise ici par l’artiste congolais Chéri Samba, donne le la de l’exposition qui décentre notre regard occidental, à travers sculptures, peintures, textiles, cartes, manuscrites, sur le monde et sur les échanges internationaux du XIIIᵉ siècle à nos jours.
L’exposition est ainsi ponctuée de cartes et codex anciens qui renversent notre vision du temps et de l’espace : on découvre une copie de la Géographie d’al-Idrisi, dessinée au XIIème siècle et qui, de nouveau, renverse les pôles ; un Rebbebib micronésien, soit une carte de navigation faite de bouts de bois et de noeuds, ou encore la Mapa di Siguenza représentant l’histoire du peuple aztèque. Au-delà de la beauté de ces cartes et objets anciens, la force de l’exposition est d’en offrir des clés de lecture très claires, grâce aux cartels, ce qui permet aux visiteurs d’appréhender d’autres rapports aux temps et à l’espace que ceux que nous connaissons aujourd’hui.
Si la vision européano-centrée du temps et de l’espace domine largement aujourd’hui, l’exposition rappelle que les récits historiques sont pluriels et que ce sont les voyages et rencontres entre civilisations qui ont conduit à cette domination.
De ces rencontres et voyages ont émergé des représentations des différents peuples : des plus connues, comme l’homme occidental « civilisé » face aux peuplades « barbares », aux plus inattendues, comme cette estampe japonaise représentant Paris au XIXème siècle, ressemblant étrangement… à Amsterdam (Paris, Capitale de la France, dans Bankoku Meisho Zukushi no Uchi).
L’exposition contrebalance sans cesse l’histoire dominante, née en Occident, avec les autres récits et romans nationaux permettant une réappropriation de cette histoire et une revalorisation des peuples et cultures.Ainsi, la Carte de Liu Gang, un faux du XVIIIème siècle qui devait prouver que les voyageurs chinois avaient « découvert » l’Amérique plusieurs décennies avant Christophe Colomb, ou encore l’évocation des séries et de films, parfois à visée de propagande : affiches de films de Bollywood (Panipat, Manikarnika) et de séries turques (Dirilis : Ertugrul). L’exposition rappelle que tout discours historique porte en lui une possible volonté de puissance.
La dernière partie de l’exposition nous décentre encore davantage avec le projet de l’artiste coréen Mansudae Master Class, soit une série de photographies de monuments et ouvrages construits par la Corée du Nord dans une quinzaine de pays africains.
On ressort de cette exposition fascinée par la beauté des objets, mais aussi par la multiplicité des récits : l’histoire n’est pas écrite et notre représentation du passé peut toujours changer…
Du 8 novembre 2023 au 11 mars 2024
Mucem – Musée des civilisations et de la Méditerranée
Ouvert tous les jours sauf le mardi
Tarif plein : 11€ / Tarif réduit : 7,50 € (billet collections permanentes + expositions)
Visuel : Maquette de pirogue, inv. D979-3-1133, dépôt de la collection de la Propagation de la Foi-OPM, musée des Confluences (Lyon, France), © Olivier Garcin