Le festival, « Un Week-end à l’Est » propose, jusqu’au 29 Novembre 2025, un parcours d’expositions. Cette « promenade » à travers le sixième arrondissement de Paris est l’occasion de découvrir la scène artistique de Bucarest.
Alain Berland est le commissaire des expositions. A deux reprises il a fait le voyage à Bucarest, à la rencontre des artistes. Il a découvert des ateliers, de nombreuses galeries, au sein d’une scène artistique dynamique et bien structurée. Les expositions retenues pour le festival sont le reflet de ses choix, de sa subjectivité. Il nous révèle une Roumanie en pleine transformation, entre tradition et modernité. Tous les artistes retenus ont un lien étroit, passé ou présent, avec Bucarest. Mircea Cantor vit et travaille en France, Cristian Mungui est connu pour ses films, mais de nombreux artistes exposent à Paris pour la première fois. Peintures, sculptures, courts métrages, installations, photographies… le parcours est résolument multidisciplinaire.
Et si nous commencions par Dan Perjovschi. Illustrateur de presse, artiste visuel qui crée sur des murs ou des sols des œuvres éphémères. Nous sommes au 22 Visconti, 22… comme le jour de la révolution roumaine de 1989. Sur les murs blancs de la galerie apparaissent dessins et graffitis. « Histoire de l’humanité, de big bang à big mac », le titre de l’œuvre témoigne de l’humour de Dan Perjovschi, un humour drôle, incisif, caustique. Ses dessins, réalisés au marqueur « Molotov ! » traduisent une totale liberté, « ils ne peuvent être vus que dans une démocratie ». Il n’a pas « digéré » le palais de Ceausescu qui a nécessité de raser, sacrifier un quartier entier de Bucarest. Il nous fait aussi un clin d’œil : « en 2019 pendant six mois l’Europe était dirigée par nous, les roumains. Cannot believe this. Et après la Covid, la guerre en Ukraine, Trump. Excuse nous. Sorry » Dan Persjovschi nous a offert un moment réjouissant, d’une grande spontanéité, rappelant l’art de rue.
La belle libraire-galerie Métamorphoses abrite la peinture de Radu Belcin, une série de portraits d’hommes confrontés à l’écho de leurs pensées. On découvre un homme qui souffle dans une bulle, « pleine de ses idées » ou un autre qui cache son visage derrière un foulard. Radu Belcin peint une réalité un peu énigmatique, transformée, modelée par l’intériorité.
Les visages contrastés de la Roumanie sont mis en valeur à l’espace Caillot. Les photographies de Ioana Cirlig nous font voyager dans les paysages ruraux du pays, celles de Cosmin Bumbut dans l’univers carcéral. Mihaela Moldovan a choisi l’abstraction pour représenter la vie des femmes. Son travail de découpage et de collage de papier nous fait deviner une silhouette féminine en route pour le shopping.
Mircea Cantor nous invite dans son univers symbolique. Deux mains sculptées en cristal se font face, très belles. La beauté du matériau, montre la valeur de la main, l’outil principal de l’artiste. La fragilité du cristal renvoie à celle de l’artiste. Surtout nous sommes émus par son court métrage tourné en 2022 au début de la guerre en Ukraine. Dans une forêt roumaine, l’hiver, un soldat joue une mélodie ancienne avec un kaval, une flûte traditionnelle. Mais il ne jouera pas longtemps, il devra s’interrompre lorsque le feu atteindra ses doigts, une allégorie de la paix menacée par la guerre.
La surprise vient de Cristian Mungiu qui expose au Paris Cinéma Club. Le cinéaste, connu en France pour ses films, 4 mois 3 semaines 2 jours (2007) ou RMN (2022), est aussi un passionné de photographies. Dans cette exposition autobiographique, il a voulu nous montrer « la biographie d’un raconteur ». L’espace est assez étroit, les photographies sont partout, sur tous les murs, le visiteur a la sensation d’être au domicile de l’artiste. Cristian Mungiu a photographié la maison de ses grands parents, en référence avec son livre Une vie roumaine : Tanian Ionascu ma grand-mère de Bessarabie. Il a interrogé les silences de sa grand-mère et relaté ses souffrances lors de la deuxième guerre mondiale. Nous découvrons les photographies de Bucarest : « je la trouve moche en général, sauf dans les détails », et celles de son quartier qui l’inspirent tout particulièrement. Nous voyons les clichés de ses repérages de films. Ceux de RMN nous transportent dans les superbes paysages de Transylvanie. Cristian Mungiu aime les voyages, les photographies d’Asie ou d’Italie baignent dans une chaude lumière, depuis il aime les couleurs vives.
Il faut du temps pour apprécier pleinement cette exposition foisonnante qui nous apprend beaucoup sur Bucarest mais aussi sur le travail et l’intimité du cinéaste qui est aussi un photographe de talent.
Visuel(c) : Ioana Cirlig
Jusqu’au 29 novembre 2025, Paris 6ème arrondissement.