Tout est permis à La Défense avec Les Extatiques
par Nicolas Villodre04.02.2024
L’édition 2024 des Extatiques n’a pas lieu en plein air mais dans le ventre de Paris, dans les quelques 5000 m2 de sous-sols couverts par la grande dalle de La Défense. Conçue par le collectif Interstices, l’exposition présente jusqu’au 25 février photographies, installations, projections vidéo, peintures, bandes sonores et effets de lumières.
Métropolis
Les souterrains, l’espace dit de la cathédrale engloutie, l’atelier de Raymond Moretti, habituellement fermés au public, offrent au visiteur un parcours d’œuvres et d’installations diverses et variées. Chacun y trouvera son compte. Dans cette caverne, on peut rester baba devant les photographies en couleur représentant des ruines, accrochées sur de brutes cimaises, à peine éclairées comme pour en garder l’aura plus que pour en souligner l’éclat, signées Olivier Dexheimer, Diane Dufraisy, Jean Roulin, François K, Maxime Rouge, Juls boo, Cassandre Charpentier, Stéphane Babatasi et Urbrain.
Les peintures et graffitis sont deMG la bomba, Rea One, Caligr, Raphe et Lün; les installations de Katre & Apôtre, du Collectif Fasm, Rémi Petit, Urbrain, Mel Piat et Tine; la vidéo est de Will Duval; l’œuvre numérique et interactive de Rozetta Emka nous a particulièrement épaté. Le semblant de cabine de rame de métro sortant d’un mur peint par Lün est un trompe-l’œil très réussi. Cet envers du décor du quartier d’affaires parisien que certains comparent aux villes nouvelles des émirats arabes, contraste avec le clinquant du verre et du béton en surface.
Underground
Sous le parvis, la plage. Ou tout comme : l’imaginaire de créatifs et, plus rare et appréciable, de créateurs. « Une immense cavité sombre et silencieuse », comme l’écrivent les organisateurs. Cette notion de vide a inspiré plusieurs œuvres, « pièces » ou installation. Les œuvres présentées ne sont pas nécessairement ces « objets d’affection » chers à Man Ray, plutôt des objets de désaffection Nous entrons dans les catacombes par un couloir orné de fragiles paperoles vierges soigneusement découpées à la main par Tine. Des tubes néons de couleur de Katre soulignent un angle du grand espace tandis qu’est vidéoprojeté un poème d’Obsolettrismes.
Plus loin, vers la fin du parcours, s’illumine dans une pénombre foraine de train fantôme une perspective immatérielle à base de fils enduits de peinture phosphorescente par Rémi Petit. Les trouvailles poétiques et techniques ne se limitent pas à la surface ou au décor. Pour peu que le visiteur lève les yeux, il découvre les gigantesques poutrelles en béton et acier traversant la cathédrale qui permettent à la charge de la dalle de tenir et de résister à la pression. Outre l’installation de rozetta, Vortex vorace, nous ont marqué les formes abstraites mouvantes projetées sur six écrans d’eau juxtaposés, un dispositif mis au point par les écolos Urbrain et Erik Lorré intitulé Image latente, qui détourne allègrement pour la cause de l’art un système d’épandage de pesticides à base de micro-diffuseurs. Cette atmosphère aquatique et sombre peut faire songer au lac de l’Opéra Garnier décrite au début du siècle dernier par Gaston Leroux.
Visuel : Rozetta Emka, Vortex vorace © Bénédite Topuz
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