Jusqu’au 12 novembre, la Mairie de Paris expose les quatrièmes lauréats du prix 1 % du Marché de l’art. Un procédé précieux qui offre à Pauline Bastard, Dominique Blais, Hoël Duret, Lorraine Féline et Mazaccio & Drowilal l’occasion, aussi belle qu’une médaille d’or, de briller.
Carine Rolland, adjointe à la Maire de Paris en charge de la culture et de la ville du quart d’heure, revient pour Cult sur les origines de ce dispositif : « Ce prix, né de la collaboration entre la Ville de Paris et le Crédit Municipal, existe depuis 2018. Il est le fruit d’un engagement partagé pour le soutien à la création artistique, ici dans les arts visuels. C’est une ambition forte de la politique culturelle parisienne que de permettre aux artistes, par différents dispositifs d’accompagnement, de continuer à créer. Ce dispositif participe du dynamisme créatif et culturel de la Ville, mais permet également d’affirmer que ce dynamisme n’est pas réservé aux seuls connaisseurs de l’art contemporain. En effet, l’organisation de l’exposition annuelle des projets lauréats attire d’importants et divers publics. Concrètement, la Ville participe au jury de sélection des projets lauréats et à l’organisation de l’exposition des œuvres créées, dans un lieu de la Ville, à l’automne. Cette année, les projets sont présentés dans la remarquable salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville. La visite est gratuite, sans réservation, jusqu’au 12 novembre. » Pour comprendre la place qu’occupe le Crédit Municipal dans ce dispositif unique, nous avons demander à Nicolas Chwat, Directeur Ventes, Expertise et Conservation du Crédit Municipal, de nous expliquer le lien entre ce mécène historique de la ville et les arts visuels. Il nous explique : « Le Crédit Municipal de Paris est un établissement public attaché à la ville de Paris. Par ailleurs, le Crédit Municipal est un mécène historique de la politique culturelle de la Ville, notamment via Paris Musée et Nuit Blanche. À l’initiative du Crédit Municipal, le prix 1 % du Marché de l’art, est un soutien à la création artistique. Ce prix, porté conjointement par le CMP et la Ville, a pour vocation d’accompagner un artiste, établi ou en début de carrière, dans le développement d’un projet dont l’ambition, le coût ou la technique nécessitent un accompagnement financier. Par ailleurs, le choix de la date de l’exposition des projets des lauréats (octobre/novembre) n’est pas anodin. Il s’agit d’offrir une visibilité lorsque les collectionneurs étrangers et nationaux affluent à Paris, grâce à Paris + par Art Basel et Paris Photo. Enfin, le prix 1 % du Marché de l’art a vocation, à terme, de fédérer d’autres acteurs du marché de l’art (maisons de ventes, galeries, fondations privées, etc …) autour de ce prix qui accompagne des projets d’artistes ayant un lien avec le territoire francilien. » Concrètement, il s’agit d’un soutien financier très important pour les artistes. Il ajoute : «Le Crédit Municipal consacre 100 000 euros à ce prix. Lors de la prochaine édition, 6 lauréats ont été retenus. Chacun peut recevoir une aide de 15 000 euros. À cela s’ajoute 10 000 euros d’aide à la médiation via l’édition de fascicules, la production de textes, le commissariat d’exposition, etc… »
Chaque artiste possède son propre espace d’exposition. « Normalement, nous rappelle Carine Rolland, l’appel à projet est assez libre et non thématisé. L’exposition de cette année fait exception, tant elle s’inscrit dans une année exceptionnelle à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques que Paris accueillera en 2024. » La première œuvre est de Mazaccio & Drowilal. Elle montre des collages sur photo, des piles de magazines pop. L’ensemble, très coloré, nous parle de notre monde en quête de performances. La seconde est celle qui nous a le plus touché.es. Dominique Blais nous installe vers des boucles sifflantes, des sauteurs à cordes sans but, à l’infini. Il nous dit :
« J’ai longtemps eu mon atelier près du parc Montsouris dans le 14e arrondissement de Paris. Je l’ai donc longuement et intensément arpenté. Il y a là-bas un kiosque à musique que j’aime beaucoup, régulièrement investi par des gens qui pratiquent tout type de sport, et notamment la corde à sauter. Comme on peut le voir dans les vidéos que j’ai réalisées, il y a une dimension hypnotique conséquente de la sérialité du geste, autant d’un point de vue sonore que visuel. » Il nous confirme son gout évident pour les danses contemporaines et répétitives. Il cite Anne Teresa de Keersmaeker, Lucinda Childs ou encore Jérôme Bel qui semblent tous et toutes convoqué.es dans ces performances écrites et répétées comme un spectacle. Dans la même veine actuelle, Pauline Bastard cultive une œuvre politique et mélancolique avec La Cérémonie des cérémonies, un film qui met en scène l’ouverture de l’iconique compétition mais à l’échelle d’un gymnase de quartier de ville. Lorraine Féline, elle tend sa Main vide, son Karaté (Kara /Vide), (Te/la main) en nous entraînant dans la pudeur d’un dojo. Hoël Duret, lui, rêve d’avenir dans une installation qui invite l’IA. Là encore, la beauté pure d’un miroir qui bat comme un cœur nous laisse sous le charme. Carine Rolland acquiesce sur cette idée de connexion au présent : « Le dispositif permet de soutenir des projets de création originale, c’est ce qui fait sa force et sa spécificité. Chaque artiste propose une lecture sensible du temps, et chaque visiteur peut y trouver un écho à sa propre vision du monde. On peut possiblement percevoir dans ces œuvres de la mélancolie, mais on peut aussi y voir beaucoup d’humanité, d’engagement, de solennité. »
Ainsi, vous pouvez découvrir gratuitement cette belle exposition jusqu’au 12 novembre. Et nous savons déjà que le prix 2024 s’ouvrira vers une diversification artistique puisque des artistes non représentés seront récompensés. Carine Rolland nous l’explique : « Soucieux d’être à l’écoute des mutations du monde artistique, le prix évoluera pour la 5e édition (2023-2024) afin de diversifier encore les profils. Une nouvelle catégorisation est créée pour ouvrir plus largement le prix aux artistes émergents : le prix récompensera désormais 2 artistes représentés en galerie française / 2 artistes en galerie française et étrangère / 2 artistes non représentés. En outre, les recherches préalables à la réalisation et à la conception de l’œuvre sont désormais intégrées dans les budgets de production pour s’ouvrir à tous les médiums. »
Jusqu’au 12 novembre, salle Saint-Jean, Hôtel de Ville, 5 rue de Lobau, 75004, Paris. Entrée gratuite.
Visuels : ©MAZACCIO & DROWILAL