Pour son exposition d’été, dans le cadre des 150 ans de l’Impressionnisme et de Normandie Impressionniste, et sous le haut patronage de l’Ambassade du Japon en France , le musée des Impressionnismes de Giverny expose des œuvres à la fois contemporaines et ancrées dans la plus grande tradition japonaise qui avait fasciné Monet : le Nihonga. Il s’agit d’une série de 14 paravents confiés par le peintre japonais octogénaire Hiramatsu Reiji au musée : La « Symphonie des nymphéas ».
C’est en 2013 que le musée des Impressionnismes de Giverny avait révélé l’œuvre de Hiramatsu Reiji au grand public. Et cela avait été une révélation. L’œuvre de ce maître japonais fait le pont entre l’art du Nihonga (technique japonaise qui consiste à utiliser des pigments naturels en poudre et de la colle animale pour travailler, à l’horizontale, en superposition de couches de couleurs) et l’impressionnisme. Lui même est tombé amoureux de Monet – qu’il connaissait en reproduction – lors de sa première visite en France, à l’Orangerie, en 1994. Depuis, il revient régulièrement à Giverny où l’on voit qu’il s’est imprégné du folklore, de la nature et de la toponymie. Alors même que Claude Monet collectionnait les estampes japonaises comme la plupart de ses camarades impressionnistes ou nabis (sa maison est riche d’une collection de 200 estampes), c’est à un hommage, mais également à une réinterprétation du grand impressionniste que nous convie Hiramatsu Reiji.
Exposés avec les Nymphéas avec rameaux de saule, de Monet, le Parterre de marguerites de Caillebotte et deux toiles plus anciennes de Hiramatsu, 14 paravents qui viennent de rejoindre les collections du musée forment un ensemble de plus de 90 m de long. Leur exposition est à la fois classique et raffinée : nous suivons le fil des saisons, avec des éclairages qui permettent de saisir réellement toutes les subtilités d’œuvres : les animaux ou les fleurs stylisées cachés dans les motifs, comme la manière dont le dernier triptyque de paravent flirte avec l’abstraction (comme Monet à la fin de sa vie). Les deux plus petits paravents qui déclinent mille nuances de gris intitulés « Fantaisie(s) du blanc et du noir » surprennent et sont peut-être les œuvres les plus raffinées et mystérieuses. On se réjouit de voir le peintre japonais encapsuler dans un fond gris les églises, le champagne, les saints et les collines de Giverny, ainsi que la tombe de Monet. Bordés de nymphéas, parfois transformés en « icônes » stylisées, l’automne comme l’hiver nous emportent dans une méditation. Face aux feuilles d’or, aux motifs qui rappellent l’art déco et à l’éclat de verts et bleus qui semblent redessiner la mappemonde à partir de Giverny, on entre en lévitation. La visite est heureuse, apaisée, mais aussi pleine d’éclat et également d’humour. Le contraste est là, aussi, avec le rouge vif débordant des érables qui lutte avec le blanc – jamais poudré ! – des cerisiers.
Quelques ponts d’information technique et des citations émaillent notre parcours. Et il y a également dans cet ensemble une force mystique et une spiritualité qui font autant de bien que l’odeur divine de lavande à l’entrée du musée ou le travail sculptural des jardiniers du musée des Impressionnismes sur les ensembles floraux qui recréent des tableaux de maître « en vrai ». « On ne peut gagner face à la nature, on ne peut qu’aspirer à elle », écrit Hiramatsu Reiji. Quelque part entre la France et le Japon, aux confins de l’ouverture à l’autre culture et de la préservation de techniques ancestrales, nous nous laissons aspirer par une nature aussi protéiforme que protectrice. La Symphonie des nymphéas est un voyage puissant.
Pour lire notre interview du Directeur du Musée, Cyrille Sciama, sur l’exposition, c’est ici.
Visuels : Hiramatsu Reiji (né en 1941), Concerto de nymphéas et de cerisiers, 2020, Giverny, musée des impressionnismes, MDIG 2022.5.13 © Takemi Art Photos
Hiramatsu Reiji (né en 1941), Giverny, forêt de bambous sur l’étang, 2020, Giverny, musée des impressionnismes, MDIG 2022.5.10 © Takemi Art Photos
Hiramatsu Reiji (né en 1941), Fantaisie du blanc et du noir (I), 2020, Giverny, musée des impressionnismes, MDIG 2022.5.11 © Takemi Art Photos
Hiramatsu Reiji (né en 1941), Giverny, miroir d’eau de l’étang (II), 2020, Giverny, musée des impressionnismes, MDIG 2022.5.9 © Takemi Art Photos